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Rupture conventionnelle dans la Fonction publique : une disposition censurée dans le cadre d’une QPC

Public - Droit public général
19/10/2020
Moins d’un an après l’entrée en vigueur de la rupture conventionnelle dans la Fonction publique, une des dispositions de la loi de transformation de la Fonction publique, qui en définissait les modalités, est censurée par le Conseil constitutionnel. Il était en effet prévu que les agents puissent être assistés « par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative » de leur choix. Après une saisine dans le cadre d’un recours du syndicat des agrégés de l’enseignement supérieur, le qualificatif « représentative » est déclaré contraire au principe d’égalité garanti par la Constitution.
L’article 72 de la loi de transformation de la Fonction publique du 6 août 2019, qui a mis en place la rupture conventionnelle, en prévoit les modalités d’organisation. Cet article dispose, dans son I, alinéa 10 : « durant la procédure de rupture conventionnelle, le fonctionnaire peut se faire assister par un conseiller désigné par une organisation syndicale représentative de son choix ». C’est le terme « représentative » qui a posé problème aux requérants et finalement été censuré par le Conseil constitutionnel.
 
Les requérants contestaient le fait qu’une organisation syndicale non représentative ne soit pas autorisée à assister un fonctionnaire au cours de la procédure de rupture conventionnelle. Selon eux, ces dispositions « instaureraient deux différences de traitement injustifiées : l'une entre les syndicats représentatifs et les syndicats non représentatifs ; l'autre entre les fonctionnaires, selon qu'ils sont ou non adhérents d'un syndicat représentatif ».
 
Organisation syndicale représentative
 
Si la question de la représentativité ou non d’une organisation syndicale n’est pas abordée dans la décision, la différence entre ces deux types de syndicats est précisée clairement par des dispositions réglementaires.
 
Ainsi, le décret du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle prévoit à son article 3 : « Sont représentatives au sens du I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 [...] les organisations syndicales disposant d'au moins un siège, selon le cas, au comité social d'administration ministériel, de réseau ou de proximité, au comité social territorial ou au comité social d'établissement de l'établissement ou du groupement de coopération sanitaire de moyens de droit public dans lequel l'agent exerce ses fonctions ou au comité consultatif national mentionné à l'article 25 de la loi du 9 janvier 1986 […] ».

Il peut être noté que le décret prévoit un assouplissement, non évoqué par la loi de transformation de la Fonction publique, permettant de garantir une assistance aux fonctionnaires en l’absence « de représentant du personnel relevant d'organisations syndicales représentatives au sein du comité social territorial ou au sein du comité social d'établissement ».
 
Ainsi, en application de l’alinéa 2 du même article, en pareil cas, « le fonctionnaire peut se faire assister par un conseiller syndical de son choix ».
 
Principe d’égalité devant la loi
 
Les requérants estimaient que de par les différences de traitement entre syndicats représentatifs et non représentatifs, les dispositions de l’article 72 méconnaîtraient le principe d’égalité devant la loi, mais également la liberté syndicale, la liberté personnelle, la garantie des droits, la liberté contractuelle, et la liberté d’entreprendre des syndicats.

Les requérants soutenaient également que l’expression litigieuse « organisation syndicale représentative » méconnaîtrait les principes de « pluralisme syndical et de libre concurrence entre les syndicats », qu’ils « invitent le Conseil constitutionnel à reconnaître ».
 
Le Conseil constitutionnel rappelle dans sa décision qu’en application de l’article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi « doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse », et souligne que ce principe ne s’oppose pas à ce que des situations différentes soient traitées de façon différentes, ou à ce que des différences soient instituées pour des motifs d’intérêt général.
 
En l’espèce, les dispositions contestées instaurent bien une différence entre les organisations syndicales représentatives et les organisations non représentatives, qui ne sont pas habilitées à désigner un conseiller qui assiste le fonctionnaire dans sa procédure de rupture conventionnelle.
 
Différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi
 
Si ces dispositions ont pour but d’accorder une garantie au fonctionnaire durant la procédure, « le caractère représentatif ou non d'un syndicat ne détermine pas la capacité du conseiller qu'il a désigné à assurer l'assistance du fonctionnaire dans ce cadre », selon les Sages.
 
Le Conseil constitutionnel déclare que « la différence de traitement est sans rapport avec l'objet de la loi ». La disposition contestée, et en particulier le mot « représentative » méconnaît donc le principe d’égalité devant la loi et est déclarée contraire à la Constitution.
 
Sur l’application de la décision, le Conseil constitutionnel décide qu’ « aucun motif ne justifie de reporter la prise d’effet de la déclaration d’inconstitutionnalité », et déclare qu’elle prend effet à la date de la publication de la décision, et s’applique « à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date ».
 
Le terme « représentatives » est donc abrogé et les fonctionnaires souhaitant bénéficier d’une rupture conventionnelle pourront donc être assistés d’un conseiller désigné par une organisation syndicale, qu’elle soit représentative ou non. L’article 3 du décret n° 2020-1593 devra également être modifié en conséquence.
 
La rupture conventionnelle dans la Fonction publique a été instaurée par la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, et précisée par deux décrets du 31 décembre 2020 (voir Actualité du 2 janvier 2020, Rupture conventionnelle dans la Fonction publique : deux décrets publiés au Journal officiel) :
  • D. n° 2020-1593 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la Fonction publique ;
  • D. n° 2020-1596 relatif à l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle dans la Fonction publique et portant diverses dispositions relatives aux dispositions indemnitaires d’accompagnement des agents dans leurs transitions professionnelles.
Le dispositif a été complété par un arrêté du 6 février 2020, fixant les modèles de convention de rupture conventionnelle.
 
Pour en savoir plus sur la rupture conventionnelle, voir Le Lamy Fonction publique territoriale, étude 708, « La rupture conventionnelle dans la Fonction publique ».
Source : Actualités du droit