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Délais de recours : une nouvelle application de la jurisprudence « Czabaj »

Public - Droit public général
29/09/2020
Dans un arrêt rendu le 25 septembre 2020, à paraître au recueil Lebon, le Conseil d’État a étendu le délai de recours raisonnable « Czabaj » aux décisions non réglementaires ne présentant pas le caractère de décisions individuelles.
L’affaire concernait l’intégration dans le domaine public de voies privées ouvertes à la circulation publique. Alors que le transfert de propriété avait été fait par un arrêté d’août 2006, des propriétaires de parcelles transférées ont saisi le tribunal administratif de Grenoble en 2016, soit dix ans plus tard. La requête a été rejeté pour tardiveté en première instance puis par la cour administrative d’appel de Lyon.
 
Le Conseil d’État, dans un arrêt rendu le 25 septembre, à paraître au Lebon (CE, 25 sept. 2020, n° 430945), rejette le pourvoi après avoir déclaré que la notification de la décision de transfert de propriété entrait dans le champ d’application de la jurisprudence « Czabaj » (CE ass., 13 juil. 2016, n° 387763). Ainsi, en l’absence d’information des anciens propriétaires des parcelles sur les voies et délais de recours dans la notification de l’arrêté, cet arrêté pouvait faire l’objet d’un recours dans un délai dit « raisonnable » d’un an.
 
Le Conseil rappelle que le délai de recours contre la décision de transfert ne peut courir qu’à compter de la notification aux propriétaires du transfert de propriété, et ce, en application de l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme.
 
La Haute cour rappelle ensuite, comme dans ses précédentes décisions sur le sujet (voir notamment CE, 27 févr. 2019, n° 418950, voir Délai de recours : la jurisprudence Czabaj appliquée à l’exception d’illégalité d’un acte individuel, Actualités du droit, 6 mars 2019)  qu’en application de l’article L. 421-1 du code de justice administrative (CJA), le recours ne peut être exercé que dans un délai de deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision. Ce délai n’est opposable « qu'à la condition d'avoir été mentionné, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision » (CJA, art. L. 421-5).
 
Reprenant le considérant de sa jurisprudence « Czabaj », le Conseil d’État annonce : « le principe de sécurité juridique […] fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance ».
 
Décisions non réglementaires qui ne présentent pas le caractère de décisions individuelles
 
La Haute cour déclare alors : « ces règles sont également applicables à la contestation des décisions non réglementaires qui ne présentent pas le caractère de décisions individuelles, lorsque la contestation émane des destinataires de ces décisions à l’égard desquels une notification est requise pour déclencher le délai de recours ».
 
Plusieurs conditions sont donc posées :
  • la décision ne doit pas être réglementaire ;
  • la décision ne doit pas avoir le caractère de décision individuelle ;
  • la contestation doit venir de destinataires à l’égard desquels une notification doit être requise.
 
En l’espèce, la décision contestée était un arrêté préfectoral prononçant un transfert de propriété. Cette décision avait été notifiée aux requérants par lettre recommandée avec accusé de réception, et ne précisait pas les voies et délais de recours. Les juges d’appel avaient donc considéré que la notification était incomplète, rendant inopposables les délais de recours.
 
La cour avait également jugé que les requérants ne faisaient état d’aucune circonstance particulière justifiant de proroger au-delà d’un an le délai raisonnable. Le Conseil d’État limite son contrôle à la dénaturation et laisse à l’appréciation souveraine des juges du fond l’existence ou non de circonstances particulières. En l’absence de circonstances particulières, le délai de recours raisonnable était bien le délai d’un an, rendant ainsi la requête tardive.
Source : Actualités du droit