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Élections municipales : les scénarios du Sénat

Public - Droit public général
04/05/2020
Le 29 avril 2020, la mission de suivi du Sénat a rendu son second rapport d’étape concernant la mise en oeuvre de l'état d'urgence sanitaire. L’occasion pour la Chambre haute de faire part de ses préconisations sur un sujet épineux : l’organisation du second tour des élections municipales.
Pour rappel, la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 est venue apporter des précisions intéressantes concernant le report du second tour des élections municipales. Elle a notamment indiqué que « Lorsque, à la suite du premier tour organisé le 15 mars 2020 pour l'élection des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon, un second tour est nécessaire pour attribuer les sièges qui n'ont pas été pourvus, ce second tour, initialement fixé au 22 mars 2020, est reporté au plus tard en juin 2020 » (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, JO 24 mars, Covid-19 : second tour des municipales en juin, si tout va bien… ; Actualités du droit, 24 mars 2020).  

En cette période de crise sanitaire, des éclairages scientifiques sont indispensables. C’est pourquoi ce même texte a prévu qu’au plus tard le 23 mai, un rapport du Gouvernement soit remis au Parlement se fondant « sur une analyse du comité de scientifiques se prononçant sur l'état de l'épidémie de Covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du second tour et de la campagne électorale le précédant » (L. n° 2020-290, 23 mars 2020, JO 24 mars).

Comme le précise le rapport du Sénat, « statuer sur l’organisation du second tour des élections municipales nécessite donc d’attendre l’analyse du Comité de scientifiques » (Sénat, Mission de suivi de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, 29 avr. 2020).

En attendant, Philippe Bas et Alain Richard, les deux co-rapporteurs, se sont penchés sur les scénarios envisageables dans l’hypothèse où le second tour du scrutin ne pourrait pas se tenir d’ici juin 2020.

Le rapport met bien l’accent sur le fait que les conseils municipaux devront être complétés le plus rapidement possible. Une orientation qui se fonde sur la jurisprudence constitutionnelle. En effet, les Sages ont déjà eu l’occasion de mentionner les « principes d'ordre constitutionnel, qui impliquent notamment que les électeurs soient appelés à exercer selon une périodicité raisonnable leur droit de suffrage » (Cons. const., 6 déc. 1990, n° 90-280 DC).

Autre argument avancé : la nécessité pour les communes d’avoir un conseil municipal en « ordre de marche » pour affronter la crise sanitaire. Premier scénario : un second tour en juillet 2020. Ceci, sous réserve que la situation sanitaire s’améliore d’ici là…

Dans son avis rendu sur le projet de loi pour faire face à l’épidémie de Covid-19, le Conseil d’État avait estimé « qu’une mesure de suspension et de report d’un deuxième tour de scrutin n’est admissible que dans des cas exceptionnels, pour des motifs d’intérêt général impérieux et à la condition que le report envisagé ne dépasse pas, eu égard aux circonstances qui le justifient, un délai raisonnable » (Sénat, Mission de suivi de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, 29 avr. 2020).

Philippe Bas et Alain Richard, les deux co-rapporteurs, considèrent qu’un déroulement du scrutin en juillet pourrait s’inscrire dans ce délai raisonnable mentionné par la Haute juridiction administrative.
 
Second scénario, un scrutin à deux tours en septembre 2020. D’ici l’automne prochain, une nouvelle élection à deux tours pourrait être organisée afin :
  • de compléter les conseils municipaux de 3 455 communes de moins de 1 000 habitants, sans remettre en cause le mandat des conseillers élus dès le 15 mars 2020 ;
  • d’élire les conseillers municipaux de 1 442 communes de 1 000 habitants et plus.
Le mandat des conseillers municipaux sortants serait alors maintenu jusqu’à cette date.
Aux yeux des deux co-rapporteurs, cette possibilité implique le respect de deux prérequis. D’une part, ils estiment que des délais suffisants devront être prévus pour que les candidats constituent leur liste, déposent leur déclaration de candidature et mènent campagne. « D’autre part, le Comité de scientifiques devrait être consulté en amont pour s’assurer que les conditions sanitaires permettent la tenue des opérations de vote. Le Comité pourrait également formuler certaines préconisations, que les assesseurs et les électeurs devraient mettre en œuvre dans chaque bureau de vote » ajoutent-ils (Sénat, Mission de suivi de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, 29 avr. 2020).

Enfin, ultime scénario : un second tour en juin ou en juillet 2020, mais uniquement dans les communes de moins de 1 000 habitants. Pas moins de 3 455 communes pourraient être concernées par cette éventualité. L’organisation d’élections dans des communes plus faiblement peuplées semble, en effet, plus simple. Il est précisé que dans la majeure partie de ces communes, il faut pourvoir un nombre limité de sièges : dans 70 % des cas, il est nécessaire d'élire moins de quatre conseillers municipaux pour compléter le conseil.

Encore une fois, l’avis rendu par le comité scientifique fera office de boussole sur le plan sanitaire : « Il conviendrait, par exemple, d’aider les personnes vulnérables à établir une procuration en amont du vote, de prévoir le port d’un masque de protection dans les bureaux de vote et de s’assurer du respect des gestes barrières » (Sénat, Mission de suivi de la loi d’urgence pour faire face à l’épidémie de Covid-19, 29 avr. 2020).

Aux dernières nouvelles, c’est l’hypothèse d’un scrutin organisé en septembre et octobre 2020 qui a les faveurs du Gouvernement. D’après le Journal du dimanche, l’exécutif aurait transmis au Conseil d’État, un projet de loi prévoyant que ces élections se tiendront dans les 4 800 communes qui n’ont pas élu un conseil municipal complet au 15 mars 2020. Des dates précises sont avancées : le 27 septembre et le 4 octobre (Journal du dimanche, 2 mai 2020). 

Affaire à suivre…

 
Remarque : traçage numérique, état d’urgence sanitaire, déconfinement des juridictions, etc. Ce rapport se prononce sur une multitude de sujets. Il met aussi en lumière les difficultés rencontrées par les forces de l’ordre pour assurer le respect du confinement (v. Covid-19 : les bons et (surtout) les mauvais points de la commission de suivi du Sénat en matière de contrôle du confinement, Actualités du droit, 30 avr. 2020).

 
 
Source : Actualités du droit