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Communication de renseignements connus des seuls enquêteurs : commentaires ou violation du secret professionnel ?

Pénal - Procédure pénale
30/04/2020
La Cour de cassation le rappelle : seul le ministère public est investi du droit de communiquer sur une enquête en cours. Alors, la communication de renseignements connus des seuls enquêteurs par un officier de police judiciaire à des journalistes peut constituer la violation du secret professionnel par une personne concourant à la procédure.
Un homme porte plainte et se constitue partie civile des chefs de violation du secret de l’enquête et recel de ce délit. Avec, il produit deux articles de presse parus dans deux journaux différents évoquant les circonstances de son interpellation pour des faits de dégradation dans le réseau métropolitain et rapportant les propos du commandant de police en charge de l’enquête.
 
Une information judiciaire est ouverte contre personne non dénommée pour violation du secret professionnel et recel. Le commandant de police est placé sous le statut de témoin assisté du chef de violation du secret professionnel.
 
Par ordonnance, le juge d’instruction estime qu’il n’y a lieu à suivre. La partie civile interjette appel.
 
La cour d’appel, qui confirme l’ordonnance de non-lieu, relève que seules les citations entre guillemets correspondent avec certitude à des propos tenus par le fonctionnaire de police. Et ce dernier ne conteste pas, à l’exception d’une expression utilisée.
 
Pour les juges du second degré, les propos, tels que retranscrits par le journaliste, ne permettent pas d’identifier les personnes interpellées et ne contiennent aucune révélation d’une information à caractère secret au regard de l’article 226-13 du Code pénal. Selon eux, « il s’agit de commentaires, et non d’informations couvertes par le secret de l’enquête et de l’instruction ».
 
Un pourvoi en cassation est formé par la partie civile. Cette dernière dénonce le fait qu’a été jugé que les propos rapportés ne contiennent aucune révélation à caractère secret alors que :
- aucune disposition légale n’autorise un officier de police à faire état d’informations issues d’une procédure d’enquête, à l’exception du procureur de la République et des autres policiers affectés à l’enquête en cours ;
- et « en affirmant qu’il s’agissait de "commentaires", sans préciser en quoi de tels "commentaires" sur des faits faisant l’objet d’une enquête pénale ne seraient pas prohibés, par opposition à une "information" couverte par le secret de l’enquête, un fait exprimé sous forme de commentaire n’en constituant pas moins la révélation d’une information ».
 
La Cour de cassation rappelle alors que :
- l’article 11 du Code de procédure pénale dispose que « toute personne qui concourt à la procédure d’enquête ou d’instruction est tenue au secret professionnel dans les conditions prévues aux articles 226-13 et 226-14 du Code pénal » ;
- l’article 226-13 du Code pénal prévoit qu’une violation du secret professionnelle est constituée dès la « révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, quelles que soient la portée et la valeur de celle-ci ».
 
Les Hauts magistrats précisent alors que seul le ministère public a le droit de communiquer sur une enquête en cours et ce, dans les conditions fixées par l’alinéa 3 l’article 11 du Code de procédure pénale. À savoir, communiquer des éléments objectifs tirés de la procédure, sans aucune appréciation, et ce afin d’éviter la propagation d’informations parcellaires ou inexactes ou pour mettre fin à un trouble à l’ordre public. Ainsi, « la communication de renseignements connus des seuls enquêteurs par un officier de police judiciaire à des journalistes est susceptible de constituer, le cas échéant, la violation du secret professionnel par une personne qui concourt à la procédure ». La Haute juridiction décide donc de casser et annuler l’arrêt de la cour d’appel.
 
Pour rappel, il a été jugé par la Cour de cassation que les fonctionnaires de police sont tenus au secret professionnel concernant les informations parvenues à leur connaissance dans l’exercice de leur profession et auxquelles la loi a conféré un caractère confidentiel dans un intérêt général et d’ordre public (Cass. crim.,  26 oct. 1995, n° 94-84.858).
 
 
Le secret de l’enquête et de l’instruction a fait l’objet d’un rapport d’information publié en décembre dernier (v. Didier Paris, député, rapporteur de la mission sur le secret de l’enquête et de l’instruction : « Toutes les informations devraient être communicables, à la réserve expresse qu’elles ne dépassent pas la ligne rouge », Actualités du droit, 17 déc. 2019). Sont proposées 19 recommandations pour le réformer et le rééquilibrer à la situation actuelle. Parmi elles, une distinction entre les personnes tenues au secret et celles qui ne le sont pas. Mais malgré la volonté assumée de la garde des Sceaux à avancer sur ces propositions (v. Secret de l’enquête et de l’instruction : réforme en vue mais sans agenda, Actualités du droit, 24 févr. 2020) l’agenda reste flou …
 
 
 
Source : Actualités du droit