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Covid-19 : dispositions particulières à l’assistance éducative et à l’organisation des juridictions pour enfants

Civil - Personnes et famille/patrimoine
01/04/2020
L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété adapte le fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire. Focus sur les dispositions relatives aux juridictions pour enfants et à l’assistance éducative.
Afin de garantir la protection des enfants, qu’il s’agisse du traitement des situations d’urgence ou de la continuité des mesures en cours, il a été prévu des aménagements aux règles de procédures et de droit civil applicables en assistance éducative. Il s’agit d’éviter qu’à l’échéance d’une mesure de placement et en l’absence de décision assurant son renouvellement ou sa continuité, l’enfant soit à nouveau en situation de danger. Il s’agit également de prévenir les difficultés de traitement qui seraient posées aux juridictions, si toutes les mesures venaient à échéance en même temps à l’issue de cette période d’état d’urgence sanitaire.
 
L’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prévoit ainsi :
— la prorogation de plein droit des mesures arrivées à échéance le 12 mars et jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire ;
— la possibilité de renouveler ou de lever sans audience les mesures arrivées à échéance le 12 mars et jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire ;
— le traitement des nouvelles requêtes dont le juge est saisi le 12 mars et jusqu’à un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire ;
— la possibilité de prendre des décisions de modification ou de suspension des droits de visite et d’hébergement sans audience durant toute la période de l’état d’urgence sanitaire ;
— diverses adaptations procédurales en matière de délais, de convocations et de notifications d’organisation des audiences et d’authentification de la procédure.
 
Si les décisions modifiant ou suspendant des droits de visite et d’hébergement ne peuvent être prises sans audience que pendant la période de l’état d’urgence sanitaire, toutes les autres dispositions sont applicables aux décisions arrivant à échéance dans une période allant du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois à compter de la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. L’ensemble de cette période constitue la période juridiquement protégée.
 
La prorogation de plein droit des mesures arrivant à échéance pendant la période juridiquement protégée

Aux termes de l’alinéa 3 de l’article 13 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020, les mesures d’assistance éducative arrivant à échéance au cours de la période juridiquement protégée sont prorogées de plein droit jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant la fin de cette période. Sont donc concernées par cette prorogation d’un mois, les mesures de placement prononcées en application de l’article 375-3 du Code civil, les mesures d’assistance éducative en milieu ouvert prononcées en application de l’article 375-2 du Code civil et les mesures d’investigation prononcées en application de l’article 1183 du Code de procédure civile en ce compris les mesures judiciaires d’investigation éducative.
Les mesures d’interdiction de sortie du territoire prononcées en application de l’article 375-7 du Code civil et les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial prononcées en application de l’article 375-9-1 du Code civil, sont quant à elles prorogées pour un délai de deux mois suivant la fin de cette période
 
Les juges des enfants conservent la possibilité de statuer sur l’ensemble des mesures prorogées avant l’expiration du nouveau délai, y compris selon les modalités adaptées prévues (décisions sans audience ou audience par moyen de télécommunication audiovisuelle).
En toute hypothèse, les juges des enfants disposent toujours de la possibilité de solliciter régulièrement les services éducatifs saisis afin d’être informés sans délai des situations qui nécessitent un traitement en urgence.
 
La possibilité, sous certaines conditions, de statuer sans audience

Attention, la décision de confirmation ou d’infirmation d’une ordonnance de placement provisoire (OPP) du procureur de la République ou du juge des enfants reste quant à elle subordonnée à l’organisation d’une audience, dans des conditions aménagées (par le biais d’un moyen audiovisuel de télécommunication dans les conditions fixées par l’article 20 de l’ordonnance et selon des délais allongés).

• Pour les nouvelles requêtes
L’article 18 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 permet au juge des enfants, selon son appréciation de la situation, d’ordonner sans audience :
— 1° Un non-lieu à assistance éducative ;
— 2° Une mesure judiciaire d’investigation éducative ou toute autre mesure d’information prévue à l’article 1183 du Code de procédure civile ;
— 3° Une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert prévue par l’article 375-2 du Code civil pour une durée qui ne peut excéder six mois ;
 
La mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ordonnée dans ce cadre est limitée à une durée de six mois afin de permettre un engagement rapide du suivi éducatif sans pour autant laisser trop longtemps la famille et le service sans détermination des objectifs éducatifs dans le cadre d’un débat contradictoire. La mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget nouvelle n’est, en revanche, pas concernée.
Dans tous les cas, ces décisions nécessitent de procéder à l’examen des requêtes au regard des critères de l’article 375 du Code civil. Et le juge des enfants, s’il l’estime nécessaire, peut toujours organiser une audience qui peut se dérouler, lorsque cela est possible, par le biais d’un moyen audiovisuel de télécommunication dans les conditions prévues à l’article 20 de l’ordonnance.
 
• Pour les mesures arrivant à échéance durant la période d’état d’urgence sanitaire
Les mesures d’assistance éducative et les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial arrivant à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire sont prorogées de plein droit pour une durée d’un mois à l’expiration de cette période.
Toutefois, le juge des enfants peut également, sous certaines conditions, statuer sur ces mesures sans attendre que la nouvelle échéance soit expirée, par décision motivée et sans audition des parties. Il peut :
— prendre une décision de non-lieu à assistance éducative ou de mainlevée de mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial ;
— renouveler une mesure de placement, une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ou une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial. Mais cette décision est strictement encadrée : elle doit être motivée et ne peut être prise qu’à la double condition du dépôt du rapport éducatif prévu pour l’échéance de la mesure dans lequel figure la proposition du service du renouvellement de la mesure ; et du recueil de l’accord écrit de l’un des parents pour ce renouvellement et de l’absence d’opposition écrite de l’autre parent à la date de l’échéance initiale de la mesure ou à celle à laquelle il est statué sur le renouvellement. Cette mesure ne peut excéder neuf mois s’agissant du renouvellement d’une mesure de placement et un an s’agissant du renouvellement d’une mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ou d’une mesure judiciaire d’aide à la gestion du budget familial. Ces durées constituent un maximum. Par conséquent, ces trois types de mesures ne peuvent pas être renouvelées : si le renouvellement n’est pas proposé par le service éducatif ; si, à échéance de la mesure et au moment de la décision, aucun des parents n’y a consenti par écrit ; ou si, à échéance de la mesure et au moment de la décision, un des parents s’y est opposé par écrit. L’accord écrit de l’un des parents peut être recueilli par tout moyen et doit être transmis au juge des enfants qui le vise et le verse au dossier d’assistance éducative.
Attention, la circulaire rappelle que seule la mesure de placement prononcée en application de l’article 375-3 du Code civil peut être renouvelée dans ces conditions sans audition des parties. La mesure de placement provisoire, prononcée en urgence en application de l’article 375-5 du même code ne peut en aucun cas être renouvelée pour quelque durée que ce soit sans audience. La situation de crise sanitaire ne peut pas justifier à elle seule la décision de renouvellement de la mesure qui doit être motivée au regard des éléments de danger persistants ;
— renouveler une mesure d’interdiction de sortie du territoire. Lorsqu’elle a été ordonnée en même temps qu’une mesure d’aide éducative en milieu ouvert ou une mesure de placement, le juge des enfants a la possibilité de renouveler une interdiction de sortie du territoire dans les mêmes conditions (proposition du service éducatif, accord écrit de l’un au moins des parents et non opposition écrite de l’autre) et pour la même durée que la mesure d’assistance éducative en milieu ouvert ou de placement qui a été renouvelée. Lorsqu’elle a été ordonnée en même temps qu’une mesure judiciaire d’investigation éducative ou une autre mesure d’information prévue à l’article 1183 du Code de procédure civile, le juge des enfants a la possibilité de renouveler une interdiction de sortie du territoire sans audition des parties pour une durée qui ne peut excéder deux mois après la fin de la période juridiquement protégée
 
• Pour les demandes de suspension ou de modification des droits de visite et d’hébergement
Aux termes de l’article 19 de l’ordonnance, le juge des enfants peut, si l’intérêt de l’enfant l’exige, suspendre ou modifier le droit de visite et d’hébergement des parents, des membres de la famille et/ou des tiers dignes de confiance, sans audition des parties, pour une durée ne pouvant excéder la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire. Cette décision doit être motivée, notamment au regard des exigences sanitaires de confinement qui protègent la santé de tous, ou de l’impossibilité de recevoir en urgence la famille pour débattre contradictoirement du principe de la suspension nécessitée par d’autres causes que la situation sanitaire.
Le service ou la personne à qui l’enfant est confié maintient les liens entre l’enfant et sa famille par tout moyen, y compris par un moyen de télécommunication audiovisuelle. Ces dispositions sont strictement limitées à la seule période de l’état d’urgence. De même, les décisions modifiant ou suspendant le droit de visite et d’hébergement ne peuvent perdurer au-delà de cette période à l’issue de laquelle, le droit antérieurement fixé reprend effet, sauf, si le juge estime nécessaire de poursuivre cette suspension, auquel cas il organisera une audience.
 
Les aménagements de la procédure devant les juridictions pour enfants

Ces aménagement concernent :

• La prolongation des délais pour les ordonnances de placement provisoire
L’article 16 prévoit que, en cas d’ordonnance de placement provisoire en urgence du procureur de la République ou du juge des enfants sans audition des parties, le juge des enfants convoque les parties dans un délai maximal d’un mois au lieu de quinze jours. L’audience reste obligatoire mais est organisée plus tardivement pour permettre aux juridictions de garantir les conditions les plus sécurisantes pour les parties et les professionnels. Le délai étant allongé, il convient de motiver de façon détaillée les éléments de danger justifiant le placement en urgence de l’enfant afin de ne pas laisser les parents dans l’ignorance des motifs du placement.
 
La suspension du délai prévu à l’article 1185 du Code de procédure civile
L’article 17 de l’ordonnance prévoit que le délai de six mois pour statuer au fond prévu au premier alinéa de l’article 1185 du CPC qui arrive à échéance entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai d’un mois après la cessation de l’état d’urgence sanitaire est suspendu pendant une durée de deux mois après la fin de cette période.
 
• La possibilité de recourir à la visio conférence 
L’article 20 de l’ordonnance permet au juge des enfants de tenir ses audiences en ayant recours à un moyen de communication audiovisuelle. La juridiction s’assure de l’identité des parties et de la qualité de la transmission ainsi que de la confidentialité des échanges entre les parties et leurs avocats. Lors du déroulement de l’audience, le juge des enfants s’assure du bon déroulement des échanges entre les parties. Le greffe dresse le procès-verbal des opérations effectuées.
 
• Les convocations et notifications :
Les convocations et notifications peuvent être faites par courrier simple, par voie électronique, ou être remises aux parents contre émargement par les services éducatifs. Afin d’assurer une information rapide aux parents, la notification par voie électronique à l’attention des services éducatifs en charge de l’enfant doit être favorisée ; à charge pour ces-derniers d’en aviser les parents.
 
• La dispense de l’authentification de la procédure par le greffier pour les décisions modifiant les droits de visite et d’hébergement
L’article 21 de l’ordonnance prévoit enfin spécifiquement que les décisions de suspension ou modification des droits de visite et d’hébergement pourront être rendues sans contreseing du greffier et notifiées par voie électronique à la personne ou au service à qui l’enfant a été confié. Cette exception aux règles de procédure doit permettre au juge des enfants de rendre un nombre potentiellement important de décisions en période de confinement.
Source : Actualités du droit