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Demande de réhabilitation judiciaire : la nature des faits ne compte pas

Pénal - Procédure pénale
17/01/2020
La Cour de cassation, dans un arrêt du 7 janvier 2020, est venue rappeler que les juges doivent apprécier, pour faire droit à une demande de réhabilitation judiciaire ou non, le comportement du condamné pendant le délai de mise à l'épreuve et non la nature des faits.
Un homme a été condamné par le tribunal correctionnel le 16 septembre 2008 à deux mois d’emprisonnement avec sursis pour outrage. Il a déposé une requête, sollicitant sa réhabilitation judiciaire.
 
La chambre de l’instruction rejette sa demande estimant qu’après avoir relevé « que les conditions de l’article 786 du Code de procédure pénale sont réunies », soit un délai de trois pour former la demande pour une peine correctionnelle à compter du jour de leur libération définitive, elle considère que « lors de l’enquête ordonnée par le procureur de la République, l’intéressé a précisé que sa démarche est motivée par son projet d’entrer dans la magistrature, mais que, compte tenu de la nature des infractions d’outrages envers personne dépositaire de l’autorité publique et personne chargée d’une mission de service public, il n’apparaît pas opportun de faire droit à la demande ».  
 
L’intéressé a formé un pourvoi en cassation. La Haute juridiction, qui se fonde sur les articles 785 à 793 du Code de procédure pénale, juge qu’il appartient à la chambre de l’instruction, d’apprécier une demande en réhabilitation judiciaire, qui répond aux conditions requises, « au regard de la nature et de la gravité de l’ensemble des condamnations concernées par la demande, si le comportement du requérant pendant le délai d’épreuve doit conduire au prononcé de la mesure sollicitée afin de permettre l’effacement de condamnations dont le maintien ne serait plus nécessaire et proportionné ».
 
Ainsi, en considérant la seule nature des faits ayant occasionné la condamnation prononcée contre le demandeur et sans apprécier le comportement de l’intéressé pendant le délai d’épreuve en fonction des pièces produites par le demandeur et des éléments recueillis par le procureur de la République au regard de l’article 791 du Code de procédure pénale, « la chambre de l’instruction a violé les textes susvisés et méconnu le principe ci-dessus énoncé ».
 
Une question prioritaire de constitutionnalité avait d’ailleurs été soumise à la Cour de cassation en 2019 dans cette affaire. Était contestée la constitutionnalité des articles 133-12 du Code pénal et 782, 783 ainsi que 785 à 798-1 du Code de procédure pénale. Pour le demandeur, le législateur avait méconnu le droit constitutionnel en s’abstenant de prévoir des garanties légales suffisantes et adéquates permettant d’obtenir une réhabilitation judiciaire. Néanmoins, la Chambre criminelle a décidé de ne pas transmettre la question au Conseil constitutionnel le 7 août 2019.  
 
Notons tout de même, que le 11 décembre 2019, une QPC a été renvoyée au Conseil constitutionnel sur ce sujet estimant que les délais imposés font obstacle à une réhabilitation judiciaire consécutive à l’exécution d’une condamnation à la peine de mort (v. Est-il possible de réhabiliter un condamné à mort ? Une QPC renvoyée, Actualités du droit, 17 déc. 2019).
Source : Actualités du droit