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La CEDH valide à nouveau l'expulsion d’un étranger après une série de condamnations pénales dans son pays d'accueil

Public - Droit public général
17/01/2019
Le 20 décembre 2018, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) juge que l’expulsion d’un étranger à la suite d’une série de condamnations pénales est conforme à l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH).
Le requérant, ressortissant turc né et ayant vécu toute sa vie en Allemagne, est titulaire d’un permis de séjour permanent dans ce pays. Constatant de nombreuses infractions pour lesquelles il avait été condamné pénalement, les autorités allemandes ont ordonné son expulsion vers la Turquie. Malgré les recours exercés par le requérant devant les juridictions allemandes, la Cour constitutionnelle fédérale a refusé de statuer sur son pourvoi. Il porte donc le recours devant la CEDH, invoquant une violation de son droit au respect de la vie privée et familiale (CESDH, art. 8).

La CEDH devait donc se prononcer sur la légalité de l’expulsion d’un ressortissant étranger titulaire d’un permis de séjour permanent vers son pays d’origine en raison de la commission d’un grand nombre d'infractions pénales.

Cette affaire fait écho à un autre arrêt rendu récemment par la CEDH, par lequel la cour a validé l’expulsion d’un immigré délinquant multirécidiviste vers son pays d’origine, malgré l’absence de liens de l’intéressé avec ce pays. (CEDH, 23 oct. 2018, req. 7841/14, Levakovic c/ Danemark, lire Actualités du droit, 31 oct. 2018, « Validité de l’expulsion d’un immigré délinquant multirécidiviste établi de longue date dans son pays d’accueil »). Comme dans cette décision, la cour juge ici que l’expulsion n’est pas contraire à la Convention.

Nécessité de l’expulsion

La cour retient plusieurs éléments lui permettant de valider l’expulsion ordonnée par l’État allemand, dont (§ 46) :
– la nature et la gravité des infractions, commises en grande partie alors que le requérant était majeur pénalement responsable ;
– une récidive du requérant alors que son expulsion avait été ordonnée une première fois.

Concernant sa situation sociale et familiale, la cour retient notamment que (§49-51) :
– si le requérant a un enfant avec une ressortissante allemande, cette dernière dispose d’un droit de garde exclusif depuis la naissance de l’enfant ;
– le requérant n’a vécu avec sa fille que quelques mois après sa naissance et avait moins de contacts avec elle depuis que la mère avait eu un deuxième enfant avec un autre père ;
– le requérant n’est intégré ni économiquement ni socialement (il n'a jamais travaillé et vit essentiellement des prestations sociales) ;
– le requérant, malgré ses fortes attaches en Allemagne, a de solides liens de nature sociale, culturelle et familiale avec la Turquie, puisqu’il en maîtrise la langue et qu’il connaît bien les conditions de vie dans ce pays.

Mettant en balance les différents éléments à sa disposition, la cour estime que, si l’expulsion du requérant s’analyse en une atteinte à sa vie familiale du fait de sa relation avec sa fille, cette ingérence était nécessaire et justifiée par des motifs pertinents et suffisants compte tenu de la gravité des infractions pénales commises.
Source : Actualités du droit