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Ilet Portal en Guyane : le préfet n’est pas tenu de prendre des mesures d’éloignement à l'encontre des étrangers en situation irrégulière

Public - Droit public général
03/09/2018
Dans un arrêt rendu le 12 juillet dernier, la cour appel administrative de Bordeaux estime, dans une affaire concernant l'îlet Portal en Guyane, que le préfet n’est pas tenu de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant étranger qui ne serait pas entré régulièrement en France.

Une société civile immobilière avait acquis en 1978, l'îlet Portal situé sur le fleuve Maroni, à proximité de la commune de Saint-Laurent du Maroni, en Guyane. En 2014, cette société avait demandé au préfet de la Guyane de faire usage de ses pouvoirs en matière de police des étrangers afin de mettre un terme à l'occupation de l'îlet par des ressortissants étrangers en séjour irrégulier sur le territoire français. La SCI relevait ici appel du jugement par lequel le tribunal administratif de la Guyane avait rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle le préfet de la Guyane avait implicitement rejeté sa demande.

 

Pas d’obligation pour le préfet de prendre des mesures d’éloignement à l'encontre d'un ressortissant étranger en situation irrégulière

La cour rappelle les dispositions de l’article L. 511-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, selon lesquelles l'autorité administrative peut prendre à l'encontre d'un ressortissant étranger en situation irrégulière une obligation de quitter le territoire français et de l'article L. 521-1 de ce code selon lequel "l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public".

Il résulte de ces dispositions que si le préfet a notamment la faculté de prendre une mesure d'éloignement à l'encontre d'un ressortissant étranger qui ne serait pas entré régulièrement en France, s'y serait maintenu sans être en possession d'un titre de séjour ou se serait vu refuser un tel titre, ou de prononcer l'expulsion de cet étranger s'il constitue une menace pour l'ordre public, il n'est pas tenu de prendre de telles mesures et dispose au contraire d'un large pouvoir d'appréciation pour faire usage du pouvoir de police spéciale que le législateur lui a octroyé sur le fondement de ces dispositions.

En l'espèce, pour la cour, compte tenu du nombre important de personnes concernées (environ 500 personnes dont des familles), de la taille de l'îlet et des moyens que l'Etat devrait déployer pour mettre à exécution les mesures d'éloignement qui pourraient être prises à l'encontre de ces ressortissants étrangers en situation irrégulière, lesquelles pourraient engendrer d'importantes tensions de nature à troubler gravement l'ordre public, ainsi que l'avait d'ailleurs reconnu le Conseil d'Etat dans son arrêt rendu le 16 février 2000 relatif au refus de concours de la force publique pour l'exécution d'une ordonnance d'expulsion qui avait été prononcée par le juge judiciaire (CE 10° et 9° s-s-r., 16 février 2000, n° 147948).
Le préfet de la Guyane, en estimant que l'atteinte modérée portée aux intérêts dont il a la charge en matière de police des étrangers ne justifiait pas qu'il mette en œuvre ses prérogatives en vue de l'éloignement des intéressés, n'a donc pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

 

Inopérance du moyen tiré de l’obligation de dénonciation les ressortissants étrangers en situation irrégulière sur l'îlet

En second lieu, la SCI estimait que le préfet était aussi tenu, en vertu de l'article 40 du Code de procédure pénale, de dénoncer au procureur de la République les ressortissants étrangers en situation irrégulière sur l'îlet (C. entr. séj. étrang. et asile, art. L. 621-2).

Toutefois, la cour note que la société requérante n'avait pas demandé au préfet de faire l'inventaire des personnes en situation irrégulière sur l'îlet, ni de signaler ensuite les infractions constatées au procureur de la République, mais avait uniquement sollicité du préfet qu'il prenne des mesures d'éloignement à l'encontre des ressortissants étrangers en situation irrégulière sur cet îlet. Ainsi, elle estime que le moyen tiré de ce que la décision implicite du préfet aurait méconnu les dispositions de l'article 40 du Code de procédure pénale est inopérant.

La SCI n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Guyane a rejeté sa demande.

Marie Le Guerroué

Source : Actualités du droit