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Assignation à résidence dans le cadre de l'état d'urgence : contestation et charge de la preuve

Pénal - Procédure pénale
05/05/2017
S'il revient au prévenu, poursuivi pour non-respect d'une assignation à résidence, de préciser sur quels éléments porte sa contestation des raisons retenues par l'arrêté ministériel permettant de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre public, il incombe au juge pénal, de répondre aux griefs invoqués par le prévenu contre cet acte, sans faire peser la charge de la preuve sur le seul intéressé. Si nécessaire, il doit solliciter le parquet pour obtenir de l'autorité administrative les éléments factuels ayant fondé sa décision.
 
Telle est la solution énoncée par la Chambre criminelle de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 3 mai 2017. Les faits de l'espèce concernaient deux arrêtés d'assignation à résidence pris dans le cadre de l'état d'urgence par le ministre de l'Intérieur. Les arrêtés comportaient une obligation de résider sur le territoire d'une commune, chacun des intéressés ayant pour obligation de demeurer à une adresse déterminée pour la nuit selon un horaire précis et de se présenter quotidiennement à la police. Chacun de ces arrêtés était motivé, d'une part, au regard de la gravité de la menace terroriste sur le territoire, d'autre part, compte-tenu d'éléments propres à chacun des deux intéressés relevant de leurs activités, de documents possédés par eux ou consultés par leur soin, ainsi que de la personnalité et de l'activité de certains de leurs contacts. Les intéressés s'étant soustraient à leurs obligations, ils ont été poursuivis devant le tribunal du chef de non-respect d'une assignation à résidence. En première instance, ils ont été renvoyés des fins de la poursuite. Le procureur a relevé appel de cette décision.
 
En cause d'appel, pour retenir les prévenus dans les liens de la prévention, la cour a relevé que ces actes administratifs avaient été motivés par la référence à des éléments factuels, dont l'autorité administrative a déduit l'existence de raisons sérieuses de penser que le comportement des intéressés constituait une menace pour la sécurité et l'ordre publics sous le régime de l'état d'urgence. Pour rejeter l'argumentation des prévenus, les juges du fond ont également retenu que la preuve de la fausseté desdits faits ou l'erreur d'interprétation qui en aurait été donnée ne saurait être trouvée dans l'absence de production aux débats d'éléments permettant de conforter la motivation de chacun de ces actes administratifs. Ils en ont déduit que les prévenus demandaient à la juridiction répressive de contrôler l'opportunité des actes administratifs individuels les concernant et ont relevé que la matérialité du non-respect de l'assignation à résidence n'était pas contestée et que les manquements aux obligations imposées ont été délibérés.
 
À tort selon la Haute juridiction qui, au visa de l'article 2 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, censure l'arrêt.
 
Par June Perot
 
Source : Actualités du droit