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Dématérialisation et authenticité : quelles perspectives pour l'acte notarié ?

Civil - Personnes et famille/patrimoine
19/04/2017
Si le notariat s’est depuis longtemps résolument tourné vers la dématérialisation, les facilités offertes avec l’emploi des outils numériques sont-elles susceptibles de dénaturer la notion d’authenticité ? Cet article, rédigé par la commission #NUMÉRIQUE du 113e Congrès des notaires, apporte un éclairage particulier sur les perspectives d’évolution de l’acte notarié, qui alimenteront en autant de pistes de réflexion et de travail le prochain congrès.
À travers le prisme des avancées technologiques, la construction des actes, leur réception et leurs modalités de publication ont été considérablement modifiées. Le quotidien des officiers publics est en perpétuelle évolution. Le notariat développe depuis longtemps et peut se targuer aujourd’hui d’une véritable expertise en matière de dématérialisation des actes authentiques. Elle touche essentiellement l’acte lui-même pouvant être reçu, avec toutes les formes et solennités attachées à l’authenticité, sous une forme électronique. C’est l’acte authentique électronique (I). À ce jour, quatre-vingt-dix pour cent des offices de notaire sont équipés du matériel et des applications permettant de dresser et recevoir un acte sur support électronique (837). Plus de soixante-dix pour cent des actes reçus par les notaires de France le sont sous forme dématérialisée.

Les technologies modernes de communication, comme la visio-conférence, pourraient par ailleurs être utilisées afin de faciliter l’intervention du notaire. C’est plus particulièrement à l’aide de la visio-conférence que les dispositions énoncées à l’article 20 du décret du 10 août 2005 vont voir concrètement le jour à titre expérimental à la fin du premier semestre 2017.

Ces procédés de plus en plus performants permettent de converser avec des tiers comme s’ils étaient physiquement présents dans un bureau alors qu’ils sont distants de plusieurs milliers de kilomètres, ce qui conduit des esprits audacieux à s’interroger sur la possibilité d’une présence virtuelle du notaire conduisant à nouveau une réflexion sur l’authenticité (II).

I – L’acte authentique électronique et le Minutier central des notaires

Détaillés dans le rapport du 111e Congrès des notaires de France, point n’est besoin de revenir sur les textes régissant l’acte authentique électronique notarié et le Minutier central des notaires (Micen). Les développements suivants seront surtout animés par la volonté d’apporter un éclairage un peu différent en s’attachant à réfléchir ou à exposer des problématiques plus directement pratiques. C’est aussi l’occasion de mesurer le chemin parcouru depuis ces trois dernières années et de constater à quelle vitesse cette nouvelle technologie a occupé une place essentielle dans la profession. Préalablement, afin d’éclairer le lecteur, seront rapportées quelques règles fondamentales édictées par le législateur. Ainsi, c’est à la faveur de la loi du 13 mars 2000 et du décret n° 2005-973 du 10 août 2005 modifiant le décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 que les actes dématérialisés établis par les notaires ont été qualifiés d’actes « établis sur support électronique ». La notion d’acte authentique électronique (A), son mode de réception (B) et ses modalités de dépôt au Minutier central des notaires (C) seront abordés à la lumière de ces textes.
 
A. La notion d’acte authentique électronique (ou acte électronique notarié)

Dressé sur papier ou sur support électronique, l’acte authentique ne répond pas à deux concepts différents. Dit autrement, l’acte authentique est indépendant de son support. C’est un principe fondamental maintes fois rappelé et très clairement énoncé encore très récemment dans l’ouvrage sur l’authenticité sous la direction du professeur Laurent Aynès : « L’absence d’influence du support électronique sur le concept d’authenticité. Qu’il instrumente sur une feuille de papier ou sur son ordinateur, le notaire procède toujours de la même manière. Il est tenu aux mêmes exigences de rédaction, au respect des mêmes solennités et aux mêmes vérifications de droit et de fait. Il n’y a aucune concession par rapport aux contraintes classiques de l’authenticité ». Ainsi, des règles strictes et précises ont été édictées s’agissant de l’élaboration de l’acte (1), de sa réception (2). À ce jour, tout est dès lors très clair à l’exception d’une interrogation récurrente sur le point de savoir s’il faut conserver les annexes papiers d’un acte électronique notarié (3).

1. L’élaboration de l’acte

Très logiquement, le législateur impose un système de traitement et de transmission de l’information agréé par le Conseil supérieur du notariat « garantissant l’intégrité et la confidentialité du contenu de l’acte ». L’acte est rédigé par un collaborateur d’un office à l’aide d’un logiciel agréé par l’ADSN répondant ainsi aux exigences législatives. En pratique, ces logiciels ne diffèrent fondamentalement pas de ceux imaginés à l’origine pour la construction d’un acte reçu sur support papier. Deux points méritent d’être relevés. D’abord, la mention finale n’existe plus car les renvois, les mots nuls, les chiffres rayés nuls et les barres tirées dans les blancs n’ont plus lieu d’être en matière d’écrit électronique. Ensuite, des précisions sont apportées sur le fait que l’acte est reçu sur support électronique et que les signatures des clients ont été recueillies sur une tablette.

2. La réception de l’acte et sa signature

Les problématiques de la réception de l’acte et de sa signature se résument en deux phrases puisées chez Pierre Catala : « L’authenticité ne peut se passer de cette comparution physique du contractant par devant le témoin privilégié habile à recevoir l’acte. Ce point central étant tenu pour essentiel, c’est autour de lui qu’il faut inventer les adaptations possibles des formes actuelles aux technologies du futur ». Le défi relevé par les notaires a donc été d’inventer, sur un plan pratique, la réception de l’acte électronique notarié, dans le respect des règles édictées par l’article 20 du décret du 10 août 2005.

Ainsi, pour des raisons tenant davantage au confort de la réception de l’acte, il a été décidé d’embarquer l’image de la signature manuscrite du notaire au moment où ce dernier confère l’authenticité au moyen de sa clé REAL. Seule l’incrémentation du code PIN au moyen de la clé REAL confère l’authenticité à l’acte. Même si ces difficultés sont à la marge, rapportées au nombre d’actes électroniques signés chaque jour (en moyenne entre 8 000 et 14 000), il convient d’attirer l’attention sur le fait que l’apparition de cette image de la signature manuscrite n’est en rien synonyme d’authenticité. Très concrètement, l’authenticité n’est conférée que par l’action de rentrer le code PIN attaché à la clé REAL au même titre qu’elle l’est, sur un acte reçu en papier, lorsque le notaire appose sa signature manuscrite sur la dernière page de la minute.

Aussi est-ce de façon conviviale qu’à la fin du rendez-vous et donc lors de la signature de l’acte authentique apparaît une mention précisant que « l’acte est authentique et que la cérémonie de signature est terminée ».

3. La conservation des annexes papiers scannées préalablement à la confection d’un acte électronique notarié

Très rapidement, avec la signature des premiers actes électroniques notariés, nombre de notaires se sont interrogés sur le point de savoir quel sort devrait être réservé aux annexes papiers scannées préalablement à la confection d’un acte électronique dressé sur support électronique.

Quelques éclairages peuvent être apportés au fil de l’analyse d’une réponse ministérielle, d’une décision de jurisprudence et des textes très récents.

a) La réponse ministérielle du 18 juin 2013

Très rapidement après la signature des premiers actes authentiques dressés sur support électronique, Sébastien Huyghe a appelé l’attention de Mme la garde des Sceaux, ministre de la Justice, sur l’article 22 du décret n° 71-941 du 26 novembre 1971 modifié aux termes duquel l’acte authentique sur support électronique et ses annexes forment un tout indissociable (Rép. min. à QE n° 18235, JOAN Q. 18 juin 2013, p. 6457). En arguant du fait que le texte prévoit que « les pièces annexées sont indissociablement liées à l’acte auquel elles se rapportent » et que « la signature électronique du notaire en fin d’acte vaut également pour ses annexes », il lui demande si, par la numérisation des annexes, le notaire a parfaitement répondu à ses obligations, et s’il peut, par conséquent, ne pas conserver les supports papier ?

La ministre apporte un élément de réponse en précisant qu’en « droit commun, il résulte de l’article 1348, alinéa 2 du Code civil que la copie peut avoir une valeur probante autonome si le titre original n’a pas été conservé, sous réserve qu’elle en soit la reproduction non seulement fidèle mais aussi durable. Le décret n° 71-941 du 26 novembre 971 relatif aux actes établis par les notaires a été modifié pour tenir compte de l’évolution des nouvelles technologies tout en respectant les exigences propres aux actes authentiques. L’article 37 de ce décret autorise les notaires à transférer sur support électronique un document établi originairement sur support papier, et notamment les annexes d’un acte authentique, dans des conditions garantissant sa reproduction à l’identique ». En outre, l’article 22 de ce texte prévoit que « lorsque l’acte est établi sur support électronique, les pièces annexées sont indissociablement liées à l’acte auquel elles se rapportent. La signature électronique du notaire en fin d’acte vaut également pour ses annexes ». Enfin, l’article 28 « prévoit notamment que l’acte établi sur support électronique doit être conservé dans des conditions de nature à en préserver l’intégrité et la lisibilité et qu’il est enregistré pour sa conservation dans un minutier central dès son établissement par le notaire instrumentaire. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que les notaires satisfont à leurs obligations de conservation des actes en numérisant, dans le respect des conditions de sécurité prévues par le décret, les pièces annexes indissociablement liées à l’acte électronique auquel elles se rapportent ».
Si l’intérêt de cette réponse est de valider l’obligation de conservation des actes et de leurs annexes par le notaire, le flou persiste sur l’obligation de conserver les documents papiers dûment scannés.

Une analyse de la jurisprudence donne aussi un éclairage à cette question sans toutefois apporter de certitude.

b) La jurisprudence : l’arrêt de la cour d’appel de Lyon du 3 septembre 2015

En l’espèce, la caisse de Crédit mutuel enseignant du sud-est se prévalait de créances impayées à l’encontre de M. X. À l’appui de sa demande, elle soutenait, ne pouvant plus être en mesure de produire l’original des contrats, qu’une « photocopie pouvait constituer une copie sincère et durable au sens de l’alinéa 2 de l’article 1348 du Code civil » et qu’aucune contestation n’était soulevée s’agissant des copies en elles-mêmes des contrats signés par M. X « arguant de plus que les photocopie produites font suite à une numérisation des originaux suivant la norme AFNOR relative à l’archivage électronique qui permet de garantir, par la mise en œuvre de procédés techniques et organisationnels, l’intégrité et la fidélité des documents archivés sous forme électronique ». Les juges devaient donc se prononcer sur la question de savoir si, à défaut de produire des originaux, des copies de documents présumées fidèles et durables étaient ou non des commencements de preuve par écrit. C’est de façon assez claire qu’ils répondent positivement en considérant que « c’est à tort, faute d’avoir relevé des éléments établissant le contraire, que le premier juge a considéré que ces documents ne constituaient tout au plus que des commencements de preuve par écrit (...) » (CA Lyon, 6e ch., 3 sept. 2015, n° RG : 13/09407).

À l’évidence, le doute peut subsister sur les pratiques à adopter sachant que les textes récents ne traitent pas non plus directement de cette question.

c) Les textes : l’article 1379 du Code civil et le décret du 5 décembre 2016

Aux termes de l’article 1379 du Code civil, « la copie fiable a la même force probante que l’original. La fiabilité est laissée à l’appréciation du juge. Néanmoins est réputée fiable la copie exécutoire ou authentique d’un écrit électronique. Est présumée fiable jusqu’à preuve du contraire toute copie résultant d’une reproduction à l’identique de la forme et du contenu de l’acte, et dont l’intégrité est garantie dans le temps par un procédé conforme à des conditions fixées par décret en Conseil d’État. Si l’original subsiste, sa présentation peut toujours être exigée ».

Pris en application de l’article 1379 du Code civil, le décret n° 2016-1673 du 5 décembre 2016 précise que « l’intégrité de la copie résultant d’un procédé de reproduction par voie électronique est attestée par une empreinte électronique qui garantit que toute modification ultérieure de la copie à laquelle elle est attachée est détectable. Cette condition est présumée remplie par l’usage d’un horodatage qualifié, d’un cachet électronique qualifié ou d’une signature électronique qualifiée, au sens du règlement (UE) n°  910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l’identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur ».
Plus aucun doute ne subsiste sur la validité juridique d’un document reproduit par voie électronique dès lors qu’une empreinte électronique garantit la détection d’une éventuelle tentative de modification ultérieure de la copie. Les incertitudes liées à l’ancien article 1348 du Code civil qui édictait que la copie ne vaut pas original mais simplement commencement de preuve par écrit n’ont plus lieu d’être.

En conclusion, la question de fond de la conservation de l’original de certaines annexes numérisées à un acte dressé sur support électronique demeure. Elle n’a plus sa raison d’être si le document annexé a été copié numériquement dans les conditions prévues à l’article 3 du décret du 5 décembre 2016. Pour toutes copies simplement scannées en vue d’être annexée, une clarification qui passerait par une modification du décret du 10 août 2005 semblerait la bienvenue.

B. Une avancée technologique : la réception de l’acte avec un notaire présent à chaque bout de la chaîne

1. La philosophie de la réception d’un acte électronique notarié avec un notaire présent à chaque bout de la chaîne

Dernière étape du parcours de l’acte électronique notarié, l’acte électronique à distance est décrit en son article 20 par le décret du 26 novembre 1971, tel que modifié par le décret du 10 août 2005 relatif aux actes électroniques suivant lequel « lorsqu’une partie ou tout autre personne concourant à un acte n’est ni présente ni représentée devant le notaire instrumentaire, son consentement ou sa déclaration est recueilli par un autre notaire devant lequel elle comparaît et qui participe à l’établissement de l’acte. Cet acte porte la mention de ce qu’il a été ainsi établi. L’échange des informations nécessaires à l’établissement de l’acte s’effectue au moyen d’un système de transmission de l’information mentionné à l’article 16. Chacun des notaires recueille le consentement et la signature de la partie ou de la personne concourant à l’acte puis y appose sa propre signature. L’acte est parfait lorsque le notaire instrumentaire y appose sa signature électronique sécurisée ».

Un tel procédé présente une incontestable modernité. Il permet à deux personnes d’être assistées chacune par un notaire lors de la réception de leur consentement, sans pour autant avoir à se déplacer pour se trouver au même endroit simultanément. Le législateur consacre par avance l’exploitation des moyens de communication pour adapter la réception des actes aux technologies actuelles, et ce sans altérer l’authenticité. Cette modalité de réception implique la mise en œuvre de moyens techniques sécurisés importants. Ainsi, les notaires se sont employés à imaginer une technologie en parfaite adéquation avec l’article 20 du décret du 10 août 2005. Le procédé est simple et rien ne change fondamentalement entre acte électronique notarié reçu à l’office (ou chez son client) et un acte avec un notaire présent à chaque bout de la chaîne. Les conditions imposées par l’article 16 sont respectées en ce que le système de traitement et de transmission de l’information est agréé par le Conseil supérieur du notariat et garantit l’intégrité et la confidentialité du contenu de l’acte.

2. Le déroulé d’une séance de signature d’un acte électronique notarié avec un notaire présent à chaque bout de la chaîne

Indépendamment des étapes décrites ci-après, et de façon indispensable pour le confort des clients et des notaires, chaque office doit être équipé d’un réseau assurant un débit performant et d’une salle de visioconférence permettant un partage des documents et assurant tant une parfaite lisibilité de l’acte qu’une qualité sonore essentielle à la bonne compréhension des échanges. La profession a qualifié ces prérequis d’une part en se dotant d’un réseau privé, supervisé par l’ADSN (Réseau REAL), et d’autre part en agréant un système de visioconférence centralisé, géré par l’ADSN.

Ainsi équipés, les notaires concernés peuvent procéder à la signature d’un acte électronique notarié pouvant être résumée en six étapes :
  • le notaire instrumentaire donne lecture de l’acte, présente les annexes et reçoit la signature de ses clients ;
  • le notaire instrumentaire transfère à son confrère le Formulaire de recueil des signatures ;
  • le notaire « en second » donne lecture de l’acte et recueille les images des signatures de ses clients sur le Formulaire de recueil des signatures (respectant en cela les exigences de lecture imposée, les clients visualisent l’acte sur l’écran de visioconférence et le formulaire de recueil de signature sur un autre écran de l’office notarial) ;
  • le notaire « en second » scelle (par sa signature électronique au moyen de sa clé REAL) le Formulaire de recueil de signature et le retourne au notaire instrumentaire ;
  • le notaire instrumentaire intègre le Formulaire de recueil de signatures à l’acte ;
  • le notaire instrumentaire signe l’acte électroniquement (lequel intègre le Formulaire de recueil des signatures) au moyen de sa clé REAL et le dépose au Micen.

Ainsi, le notaire qui n’instrumente pas procède au recueil des signatures de ses clients sur un document spécifique fourni par le notaire instrumentaire dénommé « Formulaire de recueil de signatures ». Il s’agit d’un document unique pour chaque acte électroniquement signé au moyen de sa clé REAL. Cette technique est testée depuis le mois d’avril 2016. Le déploiement national est prévu pour le début du second semestre 2016.

C. La conservation de l’acte au Minutier central des notaires (Micen)

Le rapport préalable à la 63e session de l’Assemblée de liaison des notaires de France et le 111e Congrès des notaires de France ont très largement et très clairement évoqué, tant sous l’angle technique que juridique, le Minutier central des notaires. Point n’est donc besoin d’y revenir longuement. Rappelons simplement, qu’à la différence des minutes papiers répertoriées et classées dans les locaux des offices des notaires, les actes électroniques notariés sont déposés dès leur établissement par le notaire instrumentaire et conservés dans un Minutier central électronique (Micen). Contrôlé par le Conseil supérieur du notariat, qui en a délégué la gestion à l’ADSN, le Micen fort bien décrit comme un « vaste coffre-fort comprenant un tiroir par notaire que celui-ci est le seul à pouvoir ouvrir pour délivrer des copies à ses clients » est une architecture complexe répondant à l’obligation légale de conserver l’acte « dans des conditions de nature à en préserver l’intégrité et la lisibilité ». Ainsi, le cahier des charges impose des normes et des exigences techniques, organisationnelles et juridiques. Ces trois éléments sont décrits en détail dans le rapport de la 63e session de l’Assemblée de liaison. Seules les idées majeures seront donc évoquées :
  • les exigences techniques du Micen : au nombre de quatre, elles concernent les procédures d’identification, le chiffrement des données, la traçabilité des accès et des actes et les opérations de maintenance ;
  • les exigences organisationnelles du Micen : très concrètement, elles concernent d’une part les infrastructures d’ordre matériel et logiciel et d’autre part le personnel amené à intervenir tant en terme de maintenance que de migration sur le matériel et les logiciels ;
  • les contraintes juridiques du Micen : rien n’est plus précis et précieux que l’écrit (papier ou électronique). Une attention toute particulière a été apportée aux relations contractuelles des salariés (clause de confidentialité dans les contrats de travail ou les contrats de prestations de service certes peu nombreux). Une étude particulière a été faite s’agissant de la police d’assurance, le risque majeur n’étant pas la perte des documents mais bien le piratage avec demande de rançon.
Ces quelques éléments démontrent combien il était illusoire d’imaginer un archivage des actes électroniques notariés au sein de chaque office. S’il est possible de conserver une trace informatique sur le serveur de l’office, il demeure obligatoire de se connecter au Minutier central pour délivrer une copie authentique. Le décret prévoit la possibilité pour le notaire de « procéder à la copie sur support électronique d’un acte établi sur support papier après avoir utilisé un système de numérisation dans des conditions garantissant sa reproduction à l’identique ». Cette disposition conforte les procédés de gestion de l’office adaptés aux techniques modernes de Gestion électronique des documents (GED) et rien de plus. Dès lors, la faculté offerte de convertir du papier en document dématérialisé n’est, en aucun cas, assimilable à un minutier de l’officier comparable au Minutier central.

Plus spécifiquement encore, la faculté offerte par toutes les sociétés de service informatique du notariat d’archiver dans le dossier du client (et donc dans le serveur de l’office) une copie électronique d’un acte authentique électronique notarié, ne peut en aucun cas être assimilée à un minutier de l’office. Le confort d’avoir, au sein de chaque office, une copie simple numérisée d’un acte électronique notarié ne doit pas être assimilé à un minutier.

L’attention doit ainsi être attirée auprès des collaborateurs de chaque office (clercs ou formalistes) de n’utiliser ces simples copies dématérialisées stockées dans les dossiers qu’à titre consultatif. Seul l’acte électronique notarié déposé au Micen fait foi. Est-il d’ailleurs utile de rappeler que l’accès des minutes déposées au Micen n’est possible que par le notaire ayant reçu l’acte, ses associés ou ses successeurs ?

II – Présence virtuelle du notaire ou vers une nouvelle forme d’authenticité

Est-il envisageable, grâce aux technologies modernes, d’imaginer non pas une nouvelle modalité de réception des actes dans laquelle le notaire et le client communiqueraient à distance, en temps réel, suivant un procédé sécurisé, mais tout simplement une étape de plus dans la dématérialisation de l’acte authentique électronique ?

Incontestablement la réglementation sur la signature qualifiée du client ne laisse plus l’ombre d’un doute sur la qualité de cette signature. En effet, l’article 25 du règlement e-IDAS 2014/910 emporte notamment trois effets juridiques sur la signature électronique. Ainsi, l’effet juridique et la recevabilité d’une signature électronique comme preuve en justice ne peuvent être refusés au seul motif que cette signature se présente sous une forme électronique ou qu’elle ne satisfait pas aux exigences de la signature électronique qualifiée. D’autre part, l’effet juridique d’une signature électronique qualifiée est équivalent à celui d’une signature manuscrite. Enfin, une signature électronique qualifiée qui repose sur un certificat qualifié délivré dans un État membre est reconnue en tant que signature qualifiée dans tous les autres États membres. Il serait d’ailleurs opportun que les notaires s’emparent rapidement de cette question. Rien ne fait obstacle à ce qu’ils délivrent des certificats qualifiés permettant ensuite à leur client de signer des documents électroniques.
En revanche, bien plus complexe à trancher est la validité d’un consentement reçu à distance alors que le client du notaire se trouverait physiquement à son domicile sous le regard de sa « caméra ». Une chose est effectivement de visualiser le client, autre chose est de s’assurer que son consentement n’est pas vicié par un élément extérieur non détectable par des outils de visioconférence.

Technologiquement, les conditions sont-elles aujourd’hui réunies pour qu’un notaire puisse recevoir un acte authentique alors que les clients sont physiquement présents à leur domicile ? Rien n’est moins sûr même s’il en résulterait une souplesse jusqu’ici inconnue sans perte de fiabilité. Il ne semble pas opportun de s’orienter vers une position maximaliste où tous les actes, quelle que soit leur nature, pourraient être reçus dans ces conditions. En revanche, pourrait-on imaginer une forme d’authenticité « rénovée » en excluant tous les actes pour lesquels la forme authentique est prescrite à peine de nullité ainsi que ceux soumis à publicité foncière à moins d’exclure ce procédé uniquement pour les actes impliquant une intervention physique du notaire (testament authentique, RAAR, etc.) ?

En tout état de cause, le débat est ouvert. « C’est un défi nouveau que le notariat aura à relever, consistant à organiser la réception d’actes à distance enfin devenus fiables, sans pour autant banaliser l’authenticité ni méconnaître la sociologie de la signature physique ».

En conclusion, gageons que les considérations matérielles intimideront « de moins en moins à mesure que se réduira la distance qui sépare la comparution physique d’une communication à distance servie par des technologies toujours plus performantes ». L’important sera de ne pas dénaturer la notion d’authenticité avec les facilités offertes par l’emploi des outils numériques.
 
Par Maître Mathieu FONTAINE, Président, Notaire,
Maître Sylvain JUILLET, Rapporteur, Notaire,
Maître Didier FROGER, Conseiller, Notaire honoraire.


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Source : Actualités du droit