Retour aux articles

L’inexistence juridique de l’ordonnance de détention non signée : un rappel sévère de la Cour de cassation

Pénal - Pénal
18/11/2025

La rigueur procédurale constitue le rempart ultime des libertés individuelles face à la puissance publique. Dans un arrêt marquant rendu le 28 octobre 2025 (n°25-85.293), la Chambre criminelle de la Cour de cassation est venue rappeler avec force qu'en matière de privation de liberté, le formalisme ne souffre d'aucune approximation.

Cette décision sanctionne lourdement l'oubli de signature d'un juge des libertés et de la détention (JLD) sur une ordonnance de placement en détention provisoire, affirmant ainsi la primauté de la régularité formelle sur l'intention du magistrat.

L'échec de la tentative de régularisation par les juges du fond

Les faits à l'origine de ce pourvoi illustrent un dysfonctionnement matériel aux conséquences majeures. À l'issue d'un débat contradictoire, un juge des libertés et de la détention a décidé de placer une personne mise en examen en détention provisoire. Cependant, le magistrat a omis de signer l'ordonnance matérialisant cette décision.

Saisie de cette irrégularité manifeste, la chambre de l'instruction a tenté de couvrir le vice de procédure. Pour valider la détention, les juges d'appel ont considéré que cet oubli n'était qu'une simple erreur matérielle. Ils ont argué que l'authenticité de l'acte était suffisamment établie par d'autres éléments : la présence du sceau du magistrat, la signature du greffier, celle de l'avocat, ainsi que la signature du magistrat sur le procès-verbal de débat et sur le mandat de dépôt.

Selon la chambre de l'instruction, l'absence de signature sur l'ordonnance elle-même ne portait pas atteinte aux droits de la défense, puisque la notification de la décision avait bien été effectuée dans les formes légales.

La signature : condition sine qua non de l'existence de l'acte

La Cour de cassation a balayé ce raisonnement avec une netteté absolue. Au visa de l'article 145 du Code de procédure pénale, la Haute Juridiction affirme qu'une ordonnance de placement en détention provisoire non signée par le magistrat qui l'a rendue est frappée d'inexistence.

Il ne s'agit pas ici d'une simple nullité nécessitant la preuve d'un grief pour la personne mise en examen, mais bien d'une formalité substantielle. La signature est l'élément unique qui confère à l'acte son authenticité et son existence légale. Sans elle, l'ordonnance n'a aucune valeur juridique.

La Cour précise que les éléments extérieurs (signature du greffier, procès-verbal de débat, sceau) ne peuvent suppléer cette carence. La volonté du juge doit être impérativement authentifiée par sa signature apposée sur l'acte décisionnel lui-même.

L'effet domino sur la validité du titre de détention

La conséquence procédurale de cette décision est radicale et immédiate. En droit français, et plus spécifiquement selon l'article 122 du Code de procédure pénale, un mandat de dépôt ne peut être délivré que sur le fondement d'une ordonnance de placement en détention valide.

La Cour de cassation applique ici une logique implacable : l'inexistence de l'ordonnance entraîne par "effet domino" l'inexistence du titre de détention. Le mandat de dépôt, privé de sa base légale, perd tout effet juridique.

En l'espèce, la censure de l'arrêt de la chambre de l'instruction a pour conséquence directe la remise en liberté d'office de la personne mise en examen, nonobstant la gravité potentielle des faits reprochés.

Cette jurisprudence s'inscrit dans une ligne directrice constante de la Chambre criminelle, qui exige que tout acte juridictionnel (réquisitoire, arrêt, citation) soit signé par son auteur. Cette décision du 28 octobre 2025 confirme que la justice pénale, lorsqu'elle touche à la liberté fondamentale d'aller et venir, exige une rigueur formelle absolue de la part des magistrats.