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Un fonctionnaire peut être révoqué pour des propos tenus sur WhatsApp

Public - Droit public général
30/01/2024
Un fonctionnaire de police ayant tenu des propos racistes et discriminatoires sur un groupe de discussion WhatsApp créé par un collègue, et n’ayant pas réagi à des propos « violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires » de la part d’autres agents, peut être révoqué. Cette sanction n’est pas hors de proportion avec les faits, même si par ailleurs, le fonctionnaire « pouvait se prévaloir de bons états de service », a jugé le Conseil d’État dans une décision rendue le 28 décembre 2023.
Un gardien de la paix avait été révoqué pour des propos tenus sur la messagerie Whatsapp et avait obtenu l’annulation de cette sanction par le tribunal administratif. La Cour administrative d’appel avait ensuite annulé le jugement. L’agent se pourvoit en cassation.
 
Il lui était reproché d’avoir participé à des échanges avec des fonctionnaires de police, gardiens de la paix et adjoints de sécurité via la messagerie WhatsApp « comportant de nombreux messages à caractère raciste et discriminatoire ». Il lui était également reproché d’avoir tenu à quatre reprises des propos racistes et discriminatoires, et d’avoir été témoin de « propos violemment racistes, misogynes, antisémites et discriminatoires » sans y avoir réagi. Selon le ministre de l’Intérieur « ces faits éta(ien)t constitutifs d'un manquement à ses obligations statutaires et déontologiques et d'un manquement au devoir de contrôle des pairs, l'intéressé s'étant affranchi de son rôle d'encadrement des adjoints de sécurité ». L’arrêté de révocation indiquait que ces faits « avaient porté une atteinte au crédit de la police nationale, et étaient incompatibles avec l'exercice des fonctions de policier ».
 
Le Conseil d’État, dans une décision du 28 décembre 2023 (CE, 28 déc. 2023, n° 474289, Lebon T.), valide la sanction et limite son contrôle au fait qu'elle ne soit pas hors de proportion avec les faits reprochés.

Il rappelle l’obligation de dignité des fonctionnaires prévue par le Code général de la fonction publique, ainsi que les obligations s’imposant particulièrement aux fonctionnaires de police.
 
Article L. 121-1 du Code général de la fonction publique (ancien article 25 de la loi du 13 juillet 1983) : « L'agent public exerce ses fonctions avec dignité, impartialité, intégrité et probité ».
Article R. 434-12 du Code de la sécurité intérieure : « Le policier (...) ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. / En tout temps, dans ou en dehors du service y compris lorsqu'il s'exprime à travers les réseaux de communication électronique sociaux, il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation ».
Article R. 434-14 du CSI : « (…) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération »
Article R. 434-27 du CSI : « Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ».

Le Conseil d’État rappelle également que les obligations auxquelles sont soumises le fonctionnaire s’appliquent également en dehors du service, déclarant : « le comportement d'un fonctionnaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction si les faits commis sont incompatibles avec les fonctions exercées ou s'ils ont pour effet de perturber le bon fonctionnement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration ». Ce principe est de jurisprudence constante, le Conseil ayant notamment jugé que les fonctionnaires devaient s’abstenir de certains comportements lorsqu’ils « portent atteinte à la dignité des fonctions qu'ils occupent, à la considération du corps auquel ils appartiennent et à la réputation de l'administration » (CE, 24 juin 1988, n° 75797, Lebon).

Dans son arrêt, le Conseil considère d’une part que les faits reprochés constituent bien une faute de nature à justifier une sanction, même s’ils ont été commis au sein d’un groupe de discussion et en partie en dehors du service, et d’autre part que la sanction n’est pas hors de proportion. En effet, il rappelle que l’appréciation de la proportionnalité « relève de l'appréciation des juges du fond et n'est susceptible d'être remise en cause par le juge de cassation que dans le cas où la solution qu'ils ont retenue quant au choix, par l'administration, de la sanction est hors de proportion avec les fautes commises », comme il l’avait annoncé dans une décision du 27 février 2015 (CE, 27 févr. 2015., n° 376598, La Poste, Lebon).

En l’espèce, la sanction choisie n’est pas hors de proportion avec les faits compte tenu de la « gravité des manquements commis par l'intéressé, par nature incompatibles avec la qualité de fonctionnaire de police », et ce, même si l’agent « pouvait se prévaloir de bons états de service ».
Exemples de sanctions prononcées pour des faits extérieurs au service :
Le devoir de réserve s'impose à un agent public, « nonobstant la circonstance qu'il était en congé de maladie au cours de la période en cause », dans le cas d’un agent municipal ayant notamment publié sur le réseau social Facebook « plusieurs déclarations, sous le titre "La guerre est déclarée entre les habitants et la mairie" »  (CAA Versailles, 28 juin 2021, n° 19VE03416).
Un gardien de la paix peut être sanctionné pour avoir « brandi devant la préfecture une pancarte comportant des propos offensants pour les migrants » au cours d’une manifestation et en dehors de son service. La cour a jugé que « le comportement d'un fonctionnaire en dehors du service peut constituer une faute de nature à justifier une sanction s'il a pour effet de perturber le bon déroulement du service ou de jeter le discrédit sur l'administration » (CAA Lyon, 3 juin 2021, n° 20LY01407).
Voir également Le Lamy fonction publique n° 1433 - Devoir de réserve hors de l'exercice des fonctions.
 
Source : Actualités du droit