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Précisions sur l’interruption du délai Czabaj en cas de recours administratif

Public - Droit public général
19/07/2023
Dans un avis classé A du 12 juillet 2023, le Conseil d’État explique dans quelle mesure le délai raisonnable de sa jurisprudence Czabaj peut être prorogé ou interrompu par la formation d’un recours administratif contre une décision ne mentionnant pas les voies et délais de recours ou par une demande d’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours contentieux.
Le tribunal administratif de Lyon a interrogé le Conseil d’État sur les possibilités d’interrompre ou de proroger le délai de la jurisprudence Czabaj (CE, ass., 13 juill. 2016, n° 387763) en cas de formation d’un recours administratif contre une décision ne mentionnant pas les voies et délais de recours ou de demande d’aide juridictionnelle pour former un recours contentieux contre cette décision.
 
Décision Czabaj :
« Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance » (voir Le Lamy contentieux administratif n° 198 - L'absence de caractère perpétuel des voies de recours – jurisprudence Czabaj).

Les questions posées par le tribunal administratif étaient les suivantes :
  • Ce délai « peut-il être prorogé par la formation d'un recours administratif, même facultatif ? » Si tel est le cas « l'absence de mention des voies et délais de recours dans la réponse à ce recours administratif a-t-elle pour effet d'ouvrir un nouveau délai raisonnable de recours de même nature à compter de la connaissance, par son destinataire, de cette seconde décision ? »
  • Ce délai « peut-il être interrompu par une demande d'aide juridictionnelle dans les conditions prévues par l'article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ? »
  • « Faut-il sinon considérer que le respect du délai raisonnable au-delà duquel le destinataire d'une décision ne peut exercer de recours juridictionnel, au sens de la décision précitée, doit être apprécié par le juge de manière globale, en fonction de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment des diverses actions entreprises par le requérant depuis qu'il a eu connaissance de la décision attaquée ? ».
 
  1. La formation d’un recours administratif
 
En ce qui concerne la formation d’un recours administratif contre une décision ne mentionnant pas les voies et délais de recours, la Haute cour rappelle dans son avis rendu le 12 juillet 2023 publié au recueil Lebon (CE, avis, 12 juill. 2023, n° 474865, A) que la présentation d’un recours administratif, gracieux ou hiérarchique interrompt le délai imparti pour introduire un recours contentieux (voir Le Lamy contentieux administratif n° 97 - Recours administratifs préalables et prorogation du délai de recours juridictionnel). Elle annonce qu’il en va ainsi pour le délai raisonnable de l’arrêt Czabaj en l’absence d’information sur les voies et délais de recours.
 
Le délai est toutefois différent selon que le recours administratif, gracieux ou hiérarchique donne lieu à une réponse implicite ou à une réponse explicite.
 
En cas de rejet explicite :
  • si la notification comporte les informations concernant les voies et délais de recours, un nouveau délai de recours contentieux de droit commun commence à courir à compter de la date de notification de cette décision.
  • en revanche, « Si la notification de la décision de rejet du recours administratif n'est pas elle-même assortie d'une information sur les voies et délais de recours, l'intéressé dispose de nouveau, à compter de cette notification » du délai raisonnable de la jurisprudence Czabaj.
 
En cas de décision implicite de rejet du fait du silence de l’administration :
  • si l’administration a accusé réception du recours administratif et si l’accusé de réception comporte les indications prévues à l'article R. 112-5 du Code des relations entre le public et l'administration : un délai de droit commun « recommence à courir dès la naissance d'une décision implicite de rejet du recours administratif ».
  • si l’administration n’a pas accusé réception ou si l’accusé ne comporte pas les informations, le délai raisonnable de la décision Czabaj commence à courir « à compter du jour où il a eu connaissance de la décision implicite de rejet de son recours administratif ».
 
  1. La demande d’aide juridictionnelle
 
La Haute cour était interrogée sur l’effet d’une demande d’aide juridictionnelle dans le cadre d’un recours contre une décision qui ne mentionnait pas les voies et délais de recours.
 
Elle déclare qu’il résulte des dispositions de l'article 43 du décret du 28 décembre 2020 qu’une demande d’aide juridictionnelle formée avant l’expiration du délai raisonnable interrompt le délai de recours.
 
La Conseil précise que « Le délai de recours contentieux recommence à courir à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours après la notification à l'intéressé de la décision se prononçant sur sa demande d'aide juridictionnelle ou, si elle est plus tardive, à compter de la date de désignation de l'auxiliaire de justice au titre de l'aide juridictionnelle ».
  • si l’aide juridictionnelle est acceptée : le nouveau délai est celui de deux mois.
  • si elle est refusée « l'intéressé dispose, pour introduire un recours contentieux contre la décision qu'il conteste, du délai » de la jurisprudence Czabaj.
Le Conseil ayant répondu favorablement aux deux premières questions, la troisième est sans objet.
 
Source : Actualités du droit