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Référé mesures utiles : les mesures ordonnées doivent être provisoires

Public - Droit public général
26/04/2023
Dans une décision rendue le 14 avril 2023, le Conseil d’État a rappelé le caractère nécessairement provisoire des mesures ordonnées par le juge des référés. Ainsi, le juge, saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative d’une demande de prononcé de mesures utiles, ne peut ordonner la destruction d’un ouvrage.
Dans cette affaire, le juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe avait été saisi sur le fondement de l'article L. 521-3 du Code de justice administrative (CJA) d’une demande d’expulsion d’une société exploitant un restaurant sur le domaine public. Le juge des référés a enjoint à la société de libérer les lieux et de procéder à ses frais et risques à la démolition des ouvrages installés.
 
Mesures présentant un caractère provisoire
 
Le Conseil d’État, saisi d’une demande d’annulation de l’ordonnance du juge des référés, rappelle dans sa décision du 14 avril 2023 (CE, 14 avr. 2023, n° 466993, Lebon T.) le caractère nécessairement provisoire des mesures pouvant être enjointes.
 
L’article L. 511-1 du CJA prévoit en effet : « Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ».
Le référé mesures utiles est prévu par l’article L. 521-3, qui permet au juge d’ « ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ».
 
La Haute cour rappelle que le juge des référés saisi d’une demande de prononcé de mesures utiles doit s’assurer de l’absence de contestation sérieuse de la mesure sollicitée. Cette absence de contestation sérieuse en matière de demande d’expulsion d’un occupant sans titre du domaine public a été posée par un arrêt de section rendu en 2003 (CE, sect., 16 mai 2003, n° 249880, Lebon, voir Le Lamy contentieux administratif n° 414) : « Considérant que lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse (…) ». Dans son arrêt du 14 avril, le Conseil ajoute que le juge des référés « peut prescrire, à des fins conservatoires ou à titre provisoire, toutes mesures que l'urgence justifie, dont l'expulsion d'occupants sans titre du domaine public, à la condition que ces mesures soient utiles et ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ».
 
En l’espèce, l’élément problématique est que le juge des référés n’avait pas uniquement prescrit une expulsion mais une destruction d’ouvrage.
 
Caractère provisoire excluant une mesure de destruction
 
Le Conseil d’État rappelle que les mesures ordonnées « ont nécessairement un caractère provisoire ou conservatoire ». Ainsi, un juge peut bien ordonner une mesure de déplacement ou de démontage d’un ouvrage immobilier. En revanche, déclare la Haute cour, le juge des référés « ne saurait ordonner la destruction d’un tel ouvrage ».
 
Le juge des référés a ainsi entaché son ordonnance d’erreur de droit en jugeant qu’aucun principe ne faisait obstacle à ce qu’il ordonne la destruction d’ouvrages implantés sur le domaine public. En l’espèce, le Conseil relève que l’ouvrage litigieux « est une construction reposant sur une plate-forme en pierres locales assemblées au mortier ». Cet ouvrage ne peut donc pas être démonté ou déplacé, mesures qui pourraient être provisoires, mais ne peut qu’être détruit, mesure qui serait alors définitive. Par conséquent, la demande du préfet de la Guadeloupe tendant à ce qu’il soit enjoint de démolir l’ouvrage ne peut qu’être rejetée.
Source : Actualités du droit