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Aide juridictionnelle : l'absence de rétribution de l'avocat de la partie civile lors d'une demande de libération conditionnelle censurée par le Conseil d'État

Pénal - Procédure pénale
21/11/2016
L'article 90 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991, en ne prévoyant pas de rétribution de la mission d'assistance de l'avocat de la partie civile intervenant, au titre de l'aide juridictionnelle, dans la procédure prévue à l'article 730 du Code de procédure pénale (demandes de libération conditionnelle concernant des personnes condamnées à une peine d'emprisonnement égale ou supérieure à cinq ans ou à une peine de réclusion), alors que celle de l'avocat assistant au même titre la personne condamnée dans cette procédure bénéficie d'une contribution de l'État à hauteur de quatre unités de valeur, a méconnu le principe, posé par l'article 27 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, de rétribution de l'avocat qui prête son concours au bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, et a, ce faisant, établi une différence de traitement manifestement disproportionnée. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'État dans un arrêt rendu le 3 novembre 2016.

En l'espèce, l'association requérante demande au Conseil d'État d'annuler pour excès de pouvoir le décret du 19 décembre 1991 ainsi que la décision du ministre de la Justice refusant de l'abroger. L'association requérante reprochait plus précisément à l'article 90 du texte, qui fixe le montant des UV pour les avocats désignés à l'aide juridictionnelle, d'accorder un nombre d'UV supérieur pour les avocats des mis en cause à celui accordé aux avocats des parties civiles.

Dans un premier temps, le Conseil d'État va juger l'association irrecevable, comme tardive, à demander l'annulation du décret. Dans un second temps, la Haute juridiction administrative, examinant la demande d'annulation de la décision de rejet du Garde des Sceaux, va rappeler qu'eu égard à la fonction et à la portée du procès pénal, le mis en cause et la partie civile ne sont pas dans une situation identique. Par voie de conséquence, les missions de l'avocat de la défense et celles de l'avocat de la partie civile ne sauraient être considérées comme identiques. Elles impliquent, en particulier, des obligations et charges plus lourdes pour l'avocat de la personne mise en cause, tant au cours de l'instruction que durant le procès. Dès lors, la différence dans la détermination des montants de référence, en fonction desquels est calculée la contribution de l'État à la rétribution des avocats de la partie civile et de la personne mise en cause, qui résulte de l'article 90 du décret du 19 décembre 1991, est ainsi fondée sur une différence de situation en rapport direct avec l'objet du décret, et elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient. Néanmoins, les Hauts magistrats, énonçant la solution susvisée, annule la décision du Garde des Sceaux déférée.
Source : Actualités du droit