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Article 60 du Code des douanes : pas de visite d’un véhicule vide sur la voie publique

Affaires - Pénal des affaires
Transport - Douane
09/03/2022
Ne comportant « aucune garantie posée par la loi visant à s'assurer de l'authentification des recherches et découvertes effectuées », l’article 60 du Code des douanes n’autorise pas « la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant », selon un arrêt de la Cour de cassation du 23 février 2022.
Des agents des douanes ont découvert sur une aire d'autoroute un véhicule fermé vide de tout occupant dans lequel étaient visibles des billets de banque enveloppés dans du papier cellophane, ainsi qu'une housse noire de forme allongée, fermée. Leurs chiens stupéfiants ayant de plus marqué ce véhicule, ces agents ont brisé l’une des vitres, procédé à sa fouille et découvert 3 000 euros en espèces, trois grammes de résine de cannabis et un sac contenant de nombreuses armes. Poursuivi pour différentes infractions, le propriétaire du véhicule demande notamment l'annulation de la fouille du véhicule et de l'ensemble des actes de procédure subséquents au motif d’une violation de l’article 60 du Code des douanes (qui dispose que « pour l'application des dispositions du présent code et en vue de la recherche de la fraude, les agents des douanes peuvent procéder à la visite des marchandises et des moyens de transport et à celle des personnes ») et, entre autres, de l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme qui garantit le respect des droits de la défense.
 
Respect des droits de la défense
 
Le propriétaire avance notamment que toute opération de fouille de véhicule doit être exécutée en présence de son propriétaire, de son conducteur ou d'un témoin, afin de préserver le formalisme d'authentification des objets qui y seraient découverts. Aussi, selon lui, la chambre d’instruction en refusant d'annuler la fouille d'un véhicule vide de tout occupant et fermé à clé, réalisée par les agents des douanes par effraction du véhicule, en l'absence de tout témoin, au motif que les objets découverts font l'objet d'un inventaire immédiat, ne font l'objet d'aucune investigation et sont transmis sans délai à l'officier de police judiciaire (OPJ) compétent pour qu'il les saisisse et les place sous scellés (il s’agit là manifestement d’une formule empruntée à une précédente décision de la Cour de cassation : Cass. crim., 26 oct. 2016, n° 16-82.463, Bull. crim., no 277 ; voir notre actualité), alors que l'absence de témoin assistant aux opérations de fouille empêche toute contestation relative à la régularité, l'authenticité et la loyauté des opérations menées dans son véhicule, a violé l’article 60 précité et le principe du respect des droits de la défense garanti par l’article 6 de la CEDH.
 
Pour la Cour de cassation, qui vise l’article 6 précité, l’article 60 ne comportant « aucune garantie posée par la loi visant à s'assurer de l'authentification des recherches et découvertes effectuées », ses dispositions « ne sauraient être interprétées comme autorisant les agents des douanes à procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant ». La chambre d’instruction ne pouvait donc pas énoncer que ces agents, agissant dans le cadre des prérogatives qu'ils tiennent de cet article, notamment en vue de la recherche de la fraude et après autorisation de leur hiérarchie, afin de rechercher et de constater des infractions douanières, pouvaient procéder à la visite d'un véhicule stationné sur la voie publique en l'absence de tout occupant.
 
Et quoi d’autre ?
 
La chambre d’instruction ajoutait aussi – à tort donc selon la Cour de cassation qui soulève ce point que le demandeur n’avait pas évoqué –, que, compte tenu des prérogatives spécifiques qu'ils tiennent de l’article 60, « les actes accomplis par les douaniers pour rechercher et constater des infractions douanières n'étaient pas soumis au respect des conditions définies par les articles 78-2-2 et 78-2-3 du code de procédure pénale qui s'appliquent à des enquêtes judiciaires et non à des opérations administratives, les pouvoirs des agents des douanes n'étant pas assujettis à d'autres conditions légales que celles explicitées précédemment [Ndlr : recherche de la fraude et, après autorisation de leur hiérarchie, recherche et constat des infractions], étant particulièrement étendus et ne pouvant être assimilés à ceux que les officiers de police judiciaire tiennent du code de procédure pénale ».
 
 
Remarques
Dans la formule de la chambre d’instruction ci-dessus qu’elle cite, la Cour de cassation censurerait selon nous l’autorisation préalable de la hiérarchie pour rechercher et constater les infractions dans l’hypothèse d'un véhicule stationné sur la voie publique ou dans un lieu accessible au public libre de tout occupant.
Pour mémoire, l’article 60 a aussi fait l’objet d’une décision favorable aux opérateurs du 26 janvier 2022 (voir notre actualité).
  
Plus d’information sur ce sujet dans Le Lamy Guide des procédures douanières, n° 1010-20, dans le Lamy transport, tome 2, n° 1538, et dans Le Lamy droit pénal des affaires, n° 4579 et s. L’arrêt ici exposé est intégré aux deux premiers numéros cités dans la version en ligne des ouvrages sur Lamyline dans les 48 heures à compter de la publication de la présente actualité.
 
Source : Actualités du droit