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Exigence d’une décision préalable : quid en cas de demande à une personne privée qui n’est pas en charge d’un SPA ?

Public - Droit public général
05/05/2021
Dans un avis rendu le 27 avril, le Conseil d’État indique qu’aucune règle ne détermine les effets du silence gardé par une personne morale de droit privé qui n’est pas chargée d’une mission de SPA. Il en résulte que les conclusions relatives à une créance née de travaux publics contre cette personne ne peuvent être déclarées irrecevables du fait de l’absence d’une décision préalable prévue par l’article R. 421-1 du CJA.
La communauté de communes du Centre Corse demandait la condamnation de son assureur au versement d’une somme en raison de désordres affectant notamment la station de traitement des eaux pluviales. Le tribunal administratif de Bastia saisit le Conseil d’État d’une demande d’avis sur deux points :
  • Les dispositions de l’article R. 421-1 du code de justice administrative (CJA) sont-elles applicables aux conclusions dirigées contre une personne morale de droit privé qui n’entre pas dans le champ de l’article L. 231-4 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) ?
  • En cas de réponse négative, faut-il considérer qu’un délai commence à courir au plus tard à compter de la date d’enregistrement de la requête, au-delà duquel le requérant n’aurait pas la possibilité de régulariser sa requête au regard de l’article R. 411-1 du CJA ou bien de présenter des conclusions nouvelles, car reposant sur une cause juridique distincte de celle qu’il a invoquée dans la requête ? 
Pour rappel, en application de l’article R. 421-1 du CJA, dans sa version issue du décret « JADE » (D. n° 2016-1480, 2 nov. 2016, entré en vigueur au 1er janvier 2017) « La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. / Lorsque la requête tend au paiement d'une somme d'argent, elle n'est recevable qu'après l'intervention de la décision prise par l'administration sur une demande préalablement formée devant elle ».
 
Avant l’introduction de la réforme de 2016, l’article prévoyait une exception en matière de travaux publics : dans ce domaine, il n’était pas nécessaire que la contestation soit formée contre une décision de l’administration. Depuis 2017, rappelle le Conseil d’État, l’exigence de former un recours dans les deux mois contre une décision préalable est applicable aux recours relatifs à une créance en matière de travaux publics.
 
La Haute cour annonce ensuite dans son avis (CE, avis, 27 avr. 2021, n° 448467) qu’ « aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune règle générale de procédure ne détermine les effets du silence gardé sur une demande par une personne morale de droit privé qui n'est pas chargée d'une mission de service public administratif » Dans ces conditions, les conclusions relatives à une créance née de travaux publics dirigées contre une personne privée ne peuvent être rejetées comme irrecevables faute de décision préalable.
 
Ainsi, le délai de recours de l’article R. 421-1, à savoir deux mois, n’est pas applicable à un recours contre une personne morale de droit privé qui n’est pas chargée d’une mission de service public administratif.  Il en résulte, selon la Haute cour, qu’aucun délai « au-delà duquel il ne pourrait, devant la juridiction de première instance, régulariser sa requête au regard de l'article R. 411-1 du CJA ou formuler des conclusions présentant le caractère d'une demande nouvelle car reposant sur une cause juridique distincte de celle invoquée dans sa requête » ne peut être opposé à l’auteur du recours.
 
Sur la liaison du contentieux ou l’exigence d’une décision administrative préalable, voir : Sur les demandes préalables destinées à provoquer l’édiction d’une décision, voir Le Lamy contentieux administratif nos 109 et suivants.
Source : Actualités du droit