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Responsabilité pénale et sécurité intérieure : que dit le projet de loi ?

Pénal - Procédure pénale
28/07/2021
Le 20 juillet 2021, un projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a été déposé. Focus sur ses dispositions.
Plusieurs axes dans ce projet de loi : la responsabilité pénale, précisément en cas de trouble mental résultant d’une intoxication volontaire, le renforcement de la protection des forces de sécurité intérieure,  les captations d’images ou encore la procédure de jugement des mineurs.
 
 
La responsabilité pénale
Première partie du projet : la responsabilité pénale. Rappelons que la Cour de cassation relevait dans un arrêt du 14 avril 2021 que les dispositions de l’article 122-1 du Code pénal « ne distinguent pas selon l’origine du trouble psychique ayant conduit à l’abolition de ce discernement » (v. Affaire Sarah Halimi : l’irresponsabilité pénale du meurtrier confirmée, Actualités du droit, 14 avr. 2021). Difficulté soulevée : l’abolition du discernement résultant d’une intoxication volontaire de la personne, notamment sous l’emprise de substances stupéfiantes.
 
Suite à une vaste concertation et à l’issue d’une mission flash sur l’application de l’article 122-1 du Code pénal ayant rendu son rapport le 30 juin 2021 (v. Irresponsabilité pénale : le rapport de la mission flash publié, Actualités du droit, 1er juill. 2021), le projet propose de clarifier l’état du droit et d’insérer de nouvelles dispositions.
 
Un article 122-1-1 viendrait organiser une exception à l’irresponsabilité pénale lorsque « l’abolition du discernement de la personne ou du contrôle de ses actes au moment de la commission d’un crime ou d’un délit résulte de ce quedans un temps très voisin de l’action, la personne a volontairement consommé des substances psychoactives dans le dessein de commettre l’infraction ou une infraction de même nature, ou d’en faciliter la commission ».
 
Pour le Conseil d’État, le projet « apporte au principe d’irresponsabilité pénale une exception précise et limitée ». Néanmoins, il souligne que « l’exception introduite par le projet de loi, qui entend répondre à l’émotion suscitée dans l’opinion par des faits divers tragiques, a une portée plus que limitée la réunion des conditions de l’exclusion de l’irresponsabilité pénale paraissant très théorique et la preuve de l’élément intentionnel extrêmement difficile à apporter en pratique ».
 
Également, deux infractions intentionnelles feraient leur apparition pour réprimer le fait d’avoir consommé volontairement « de façon illicite ou manifestement excessive », des substances psychoactives ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes, et en ayant connaissance du fait que cette consommation est susceptible de la conduire à commettre des atteintes à la vie ou à l’intégrité d’autrui. Si la personne commet un homicide volontaire (art. 2221-5-61), la peine serait de dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende. À noter que si ces faits ont été commis par une personne qui a été précédemment déclarée pénalement irresponsable d’un homicide volontaire, en raison d’une abolition de son discernement ou du contrôle de ses actes résultant d’un trouble psychique ou neuropsychique provoqué par la consommation volontaire des mêmes substances psychoactives, la peine est portée à quinze ans de réclusion criminelle.
 
Le nouvel article 222-18-1 préciserait lui que :
- lorsque les faits commis constitueront des violences ayant entraîné la mort ils seront punis de 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende,
- si les violences ont entrainé une mutilation ou une infirmité permanente, elles seront punies de 5 ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende ;
- si les violences ont entrainé une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours, une peine de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende sera prévue.
Peine respectivement aggravée à 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, à 7 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende et à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende en cas de réitération des faits.
 
 
Dispositions relatives à la sécurité intérieure
Le projet de loi veut aussi renforcer la répression des violences délictuelles commises contre les forces de sécurité intérieure. Il viendrait insérer une infraction spécifique à l’article 222-14-5 qui élèverait les sanctions, pour violences, d’un degré dans l’échelle des peines par rapport à ce qui est prévu pour les violences aggravées. Mêmes peines pour les violences commises à l’encontre d’un membre de leur famille ou contre une personne affectée dans les services de police ou de gendarmerie nationale.
 
En outre, le projet veut aussi renforcer les mesures administratives conservatoires et le régime des peines applicables au délit de refus d’obtempérer à une sommation de s’arrêter, émanant d’un agent en bord de route.
 
La réserve civile de la police nationale devrait aussi être transformée en réserve opérationnelle. Objectifs : recruter 70 % des effectifs de la réserve opérationnelle au sein de la société civile, renforcer le lien entre la population et sa police, favoriser le sentiment d’appartenance des réservistes citoyens à l’institution et accroître la capacité opérationnelle de la police nationale.
 
 
Captation d’images et renforcement du contrôle des armes
Pour mémoire, le Conseil constitutionnel, dans une décision du 20 mai 2021 relative à la loi pour une sécurité globale, a censuré plusieurs dispositions portant sur la captation d’images (v. Loi pour une sécurité globale : l'utilisation des drones par certains services de l'État et la police municipale invalidée, Actualités du droit, 24 mai 2021). Le projet de loi viendrait alors apporter plus de garanties aux dispositions relatives à la vidéosurveillance dans les cellules de garde à vue, à l’utilisation par les autorités publiques des caméras installées sur les aéronefs et aux « caméras embarquées ».
 
En outre, le projet de loi contient des dispositions relatives au renforcement du contrôle des armes et des explosifs. Il veut notamment renforcer le contrôle des détenteurs d’armes.
 
 
Procédures de jugement des mineurs
Rappelons que le Code de justice pénale des mineurs (CJPM) entre en vigueur le 30 septembre 2021 (v. sur le sujet CJPM : publication d’une circulaire présentant les dispositions, Actualités du droit, 8 juill. 2021).
 
Un article 397-2-1 devrait être inséré dans le Code de procédure pénale pour permettre à la juridiction pénale constatant son incompétence du fait d’une erreur sur la majorité ou la minorité d’une personne d’ordonner que cette dernière reste détenue jusqu’à sa comparution devant la juridiction compétente, qui devra intervenir au plus tard dans un délai de 24 heures. Un délai de 48 heures est prévu lorsqu’il s’agit de la comparution d’un majeur devant intervenir devant le pôle de l’instruction d’un tribunal judiciaire autre que celui initialement saisi (CJPM, art. L. 423-14).
 
Également, les articles L. 423-13 et L. 531-4 du nouveau CJPM devraient être modifiés pour permettre au Parquet d’interjeter appel des mesures éducatives judiciaires provisoires et des mesures de sûreté ordonnées par le juge des enfants ou le juge des libertés et de la détention ou prononcées à l’audience d’examen de la culpabilité ou pendant la période de mise à l’épreuve éducative.
 
Enfin, le projet de loi vient tirer les conséquences de la censure du Conseil constitutionnel du 26 mars 2021, les Sages ayant jugé que le juge des enfants qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal pour enfants ne peut présider cette juridiction (v. Le juge des enfants ayant instruit l’affaire ne peut présider le tribunal, Actualités du droit, 26 mars 2021). Le projet prévoit la modification de l’article L. 251‑3 du Code de l’organisation judiciaire en précisant que, outre le juge des enfants qui a renvoyé l’affaire devant le tribunal pour enfants, celui qui a été chargé de l’instruction ne peut présider cette juridiction.
 

Diverses dispositions pénales
Le projet de loi prévoit aussi :
- d'étendre le dispositif de l’amende forfaitaire délictuelle aux vols portant sur une chose d’une valeur inférieure ou égale à 300 euros lorsqu’il « apparaît au moment de la constatation de l’infraction que cette chose a été restituée à la victime ou que celle‑ci a été indemnisée de son préjudice » ;
- d'autoriser le relevé forcé d’empreintes digitales ou palmaires ou à une prise de photographie, lorsque la personne est suspectée d’avoir commis un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement, sur autorisation du procureur de la République ;
- de permettre aux gardes particuliers de constater, par procès‑verbal, certaines contraventions en matière de police de la circulation et de la sécurité routières ;
- de faciliter l’identification des auteurs de rodéos motorisés et empêcher la restitution de véhicules dangereux ; 
- de simplifier les procédures de mise en demeure et de sanction de la CNIL.
 
 
 
Source : Actualités du droit