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Projet de loi d’orientation des mobilités : les sénateurs déplorent un budget « au rabais »

Public - Environnement, Droit public général
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08/03/2019
La commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a présenté sa version du projet de loi d’orientation des mobilités, lors d’une conférence de presse tenue le jeudi 7 mars 2019.  Un projet de loi portant des objectifs primordiaux mais avec un budget insuffisant prévu par le gouvernement, selon les sénateurs.

Hervé Maurey, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable et Didier Mandelli, rapporteur du projet de loi, ont présenté à la presse le texte de la commission, adopté la veille. « Le sujet est très important », a affirmé Hervé Maurey, notamment pour « les territoires les plus ruraux ».

Il a rappelé quelques chiffres autour de ce texte adopté par la commission :
– plus de 100 auditions réalisées par Didier Mandelli ;
– près de 600 amendements examinés ;
– 240 amendements adoptés, dont 150 du rapporteur.

« Le sénat est très uni sur le texte adopté par la commission », s’est félicité le sénateur, l’objectif étant de combler les carences du texte proposé par le gouvernement, notamment au regard de l’insuffisance de la programmation financière prévue, principal problème évoqué.

Le financement au centre des débats

« La question du financement était au cœur de nos travaux » a affirmé Hervé Maurey. Pour lui, « le texte est arrivé devant le Sénat avec des lacunes considérables », notamment en raison de l’absence d’un « volet financier réellement établi ».

Il a mentionné à ce sujet plusieurs exemples de choix inadaptés proposés par le gouvernement :
– la diminution du montant de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) affecté à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf) ;
– l’augmentation, en contrepartie, du financement des infrastructures avec le produit des amendes radars (alors même que la ministre des Transports avait reconnu que, ces recettes étant fluctuantes, il était souhaitable qu’elles diminuent) ;
– « le fait que les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) se voient dotés de la compétence "mobilités" sans le moindre centime pour exercer cette compétence ».

Des éléments qualifiés de « surprenants » par le sénateur, preuves selon lui « d’un manque de préparation et de sérieux manifeste ». Ce point de vue est partagé par Didier Mandelli, qui a affirmé que les sénateurs sont « très inquiets au sujet de la soutenabilité financière de la programmation des infrastructures de transport prévue par le texte pour les cinq ans à venir. D’ores et déjà, le niveau réel des investissements de l’État prévu pour 2019 sera 200 millions d’euros en dessous de ce que le projet de loi prévoit ». Un budget « au rabais », a confirmé Hervé Maurey, ajoutant qu’« il n’y a aucun financement pour que ce projet de loi devienne une réalité ».

La commission a donc tenté d’adopter plusieurs mesures présentant des investissements plus réalistes afin de mener à bien les projets envisagés.

Les ambitions du texte de la commission

S’ajoutant à la question du budget, « la volonté de développer des modes de transport peu polluants et d’impliquer davantage les collectivités dans la révolution des mobilités » ont également guidé les travaux de la commission, qui ont été conduits dans « le souci du pragmatisme, de la transparence, de l’efficience », selon Didier Mandelli.

Ce dernier a rappelé que cinq objectifs phares ont guidé les « modifications substantielles » du texte original apportées par la commission lors de l’examen du texte.

Le premier est de « prévoir des ressources crédibles, pérennes et transparentes pour financer les infrastructures de transport ». À ce titre, elle a notamment fixé dans la loi « le principe de l’affectation intégrale à l’Afitf, chaque année, du produit de l’augmentation de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) votée en 2014 à la suite de l’abandon de l’écotaxe ». Les sénateurs ont ainsi concrétisé leur volonté de voir « sanctuariser les ressources de l’Afitf, afin qu’elles ne dépendent plus de recettes fluctuantes et imprévisibles comme les amendes radars ».

Deuxième objectif : « donner aux collectivités territoriales du temps, de la souplesse et des moyens financiers pour couvrir les zones blanches de la mobilité ». Ayant fait de la réduction des inégalités territoriales « l’objectif prioritaire de cette programmation », la commission a permis aux territoires ruraux d’avoir les ressources nécessaires pour organiser des services de mobilité, au travers de plusieurs mesures, comme l’extension du versement mobilité, l’attribution d’une partie du produit de la TICPE aux collectivités dont les ressources sont insuffisantes, ou encore le fléchage des certificats d’énergie vers la mobilité propre. Selon Hervé Maurey, « ces mesures doivent permettre la mise en place de vraies alternatives à la voiture individuelle, au profit des habitants des territoires ruraux dont les revendications sont au cœur de la crise des gilets jaunes ». Au-delà du financement, les modifications apportées accordent « plus de temps et de souplesse aux collectivités », avec par exemple un allongement du délai donné aux communes pour décider du transfert de la compétence d’organisation des mobilités aux communautés de communes, ou la possibilité offerte aux communautés de communes de demander à la région de récupérer la compétence "mobilités".

Le troisième but poursuivi par la commission était d’« encourager les modes de transport peu polluants pour lutter contre la pollution de l’air ». La commission a suivi, notamment, trois directions importantes visant à :
– favoriser les « mobilités actives » comme la marche et le vélo (définition d’un schéma national des véloroutes et des voies vertes, stationnement conforté pour les vélos dans et aux abords des gares, itinéraires piétons et cyclables prévus par les plans de mobilité) ;
– encourager le développement des véhicules à faibles émissions, notamment en dotant les collectivités des outils appropriés (par exemple avec la création de voies et de stationnements réservés) ;
– soutenir le développement du transport fluvial.

Quatrième objectif : « faire confiance à l’intelligence des territoires pour accélérer la "révolution des mobilités" ». Face au développement rapide des services de « free-floating » (trottinettes, vélos, gyropodes en libre-service), la commission « a ainsi créé un régime d’autorisation préalable », qui permet aux collectivités de les soumettre à des prescriptions particulières. Concernant les données utiles aux voyageurs, qui sont collectées par les fournisseurs de données, la commission a précisé dans son texte les conditions de l’ouverture de ces données, à laquelle elle se dit « favorable ».

Enfin, le dernier objectif visait à « encadrer les dispositions relatives à la sécurité et à la sûreté dans les transports ». La commission a notamment adopté, à l’initiative du sénateur Jean Sol, des mesures visant à renforcer la sécurité des passages à niveau, et a également « consolidé et sécurisé les mesures prévues par le projet de loi en matière de sûreté dans les transports collectifs ».

Des questions en suspens

Les sénateurs ont regretté l’absence de plusieurs sujets importants dans ce texte, en particulier, le schéma national des dessertes ferroviaires est absent, ainsi que « l’avenir des petites lignes ferroviaires ».

Ils ont toutefois exprimé leur souhait de voir introduits dans les débats ces sujets dont l’absence « (prive) le Parlement de débats sur des sujets majeurs et structurants pour l’avenir de nos politiques de mobilité ». Pour la commission, il est « impératif que le gouvernement dépose en séance un amendement prévoyant la possibilité de transférer aux régions la gestion de certaines petites lignes ferroviaires, afin que le Sénat puisse se prononcer sur ce sujet essentiel pour le désenclavement des territoires ».

Les débats en séance publique auront lieu du 19 mars au 2 avril 2019. Une fois adopté par le Sénat, le texte sera examiné par l'Assemblée nationale au mois de juin, avec une adoption du texte de loi souhaitée pour le mois de juillet.

Source : Actualités du droit